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Cultes en streaming – Bilan un mois plus tard

Oui, un mois déjà que nous vivons les cultes « à distance ». Pour répondre à l’impossibilité de se réunir pour célébrer, différentes paroisses ont répondu de différentes manières. Ma réponse a été de proposer des cultes en streaming sur FaceBook, en y intégrant une dimension participative. En un mois, ce sont 7 cultes qui ont été célébrés ainsi (Semaine Sainte oblige). Je me propose d’en faire un bilan.

Le culte en streaming : un compromis

Vivre un culte en streaming – qu’ils soit interactif ou non, sur Facebook ou YouTube, pré-enregistré ou en direct, traditionnel ou moderne, à la TV ou à la radio – n’est jamais qu’un compromis qui ne peut pas remplacer l’expérience et le vécu d’un culte en présence, dans une communauté locale.

Ce que nous proposons n’est donc qu’une solution imparfaite, ayant pour but de palier à un manque temporaire. Ces types de cultes ne sauraient devenir la norme sur le long terme.

Un défi : vivre quelque chose de la communauté

Un des principaux défi qui s’est posé à nous est celui du lien communautaire. J’éprouve une grande frustration devant les offres certes numériques de nombreuses paroisses, mais qui restent totalement frontales, sans laisser aucune place à l’expression des liens interpersonnels. Soit des paroisses qui sont productrices de média à contenu spirituel. Je reconnais qu’une part importante de ce que j’ai développé à Meyrin souffre de ce défaut. Avec les cultes, j’avais donc particulièrement à coeur de pouvoir redresser la barre et offrir un espace où l’on est pas consommateur mais acteur d’une célébration.

Pour ce faire, plusieurs plateformes permettent de vivre de telles relations, soit avec une fonction de chat intégrée au streaming (Facebook et Youtube par exemple), soit en mettant en lien les participants par la visioconférence (Zoom, Jitsi Meet, Infomaniak Meet, etc.). Il m’a fallu peser les pour et les contre des différentes options et de faire un choix, somme toute arbitraire et discutable.

Des obstacles

J’avais d’abord titré cette section « un obstacle ». Mais il s’est avéré qu’il y en a plus d’un, en tout cas en milieu réformé. Il y a d’abord l’obstacle de nos lieux de cultes qui ne sont que rarement équipés d’une connexion internet. Et quand ils le sont, celle-ci est de qualité médiocre. Ensuite, l’équipement informatique dont nous disposons habituellement est lui aussi d’un autre âge. Vous aussi vous avez ce vieux portable avec Windows XP destiné au pasteur, et personne ne voit le problème ? D’autres obstacles nous sont imposés par le choix de la plateforme de diffusion. Mais ce sont surtout nos ecclésiologies et nos mentalités qui font souvent obstacle.

Construire un culte autour du média, plutôt que d’utiliser un média pour fournir un culte

La tentation est grande de reproduire ce qui est habituellement vécu le dimanche matin. Certains poussent même à ignorer la présence de la caméra et à s’adresser à des chaises vides. J’avoue que cela produit en moi un sentiment d’étrangeté. Il m’a semblé plus pertinent de réfléchir autrement, et de partir du média – Facebook Live – et de me demander comment vivre un culte dans ce contexte-là. Ou, dit autrement, la question a été « quelle communauté voulons-nous créer pour cette situation de crise ? » Il m’est alors apparu que le format devait être court (30 minutes). Car une minute sur son canapé ou une minute en communauté, ce n’est pas la même chose. Même brièveté dans les différents moments du culte (lecture courte, message court, interludes courts, prières courtes, etc.). Ensuite, une atmosphère plus détendue m’a semblé être de rigueur. Ne serais-ce que pour être un peu plus proche de mes paroissiens qui rejoignent le culte en pyjama, mais aussi pour éviter d’ajouter une distance supplémentaire (celle de la robe pastorale par exemple). Enfin, j’ai voulu profiter de la fonction de chat pour permettre aux participants d’intervenir dans le culte.

Des échanges profonds

Ce sont des échanges profonds qui ont eu lieu, aussi bien durant les cultes qu’en dehors, lors d’échanges de messages ou de téléphones. Paradoxalement, j’ai le sentiment que soit la situation de confinement, soit le fait de vivre le culte en streaming, a libéré les personnes des limites qu’elles s’imposaient (en bonnes protestantes) pour enfin oser une prière du coeur, une confession de foi, dans l’espace public.

Parmi les échanges hors-culte, j’ai également eu des retours de personnes qui n’étaient plus allées au culte depuis longtemps et qui, face au coronavirus, ont ressenti le besoin de reconnecter avec Dieu au moment même où les lieux de culte fermaient. Ce que nous avons pu offrir était donc plus qu’un simple contenu spirituel à consommer, mais un lieu où elles pouvaient exprimer leur soif de Dieu et être en communion avec d’autres partageant leurs attentes.

Une communauté redéfinie

Au travers de cette expérience, notre communauté a été redéfinie. Des frontières (géographiques, sociologiques et confessionnelles) ont été franchies. De nouveaux liens ont été créés. L’Evangile a été entendu dans des foyers où il n’était plus entré depuis longtemps (voire où il n’avait encore jamais été proclamé).

Internet est un véritable lieu de mission pour l’Eglise. La situation actuelle, bien que dramatique à bien des égards, aura au moins eu le mérite de nous pousser à investir un terrain que nous n’avions jusqu’ici que trop ignoré.

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Pasteur dans l'EPG, je partage ici diverses réflexions, prédications et expériences, en espérant créer la discussion afin que nous puissions nous enrichir mutuellement.

10 Comments

  • Jean-Marc Leresche

    Bravo, Philippe, et merci des initiatives de l’EPG pour rester en lien avec les paroissiens et au-delà aussi. Je tire mon chapeau à vous qui vous êtes risqués au culte en streaming.
    Pour notre part, à La Neuveville, j’ai lancé l’initiative de « cultes à l’emporter », un peu à l’image des repas. Concrètement, ce sont des cultes tenant sur 4 pages et respectant bon an mal an une structure ordinaire. Je l’ai imaginé sur papier en vue d’être envoyé aux paroissiens. Ensuite, et depuis trois semaines, je les reprends et les mets en ligne sur le site paroissial sous forme de billets, agrémentés de musiques ou vidéo. Ils sont ensuite archivés sur une page dédiée : https://paref2520.ch/cultes-a-distance/
    Les échos sont très positifs de la part des destinataires. On a même un peu élargi à un cercle un peu plus grand que le « club du dimanche ».
    Quelqu’un m’a dit : en lisant ces cultes, je me sens en communion et en communauté. Une autre personne m’a remercié : je ne venais plus à l’église, car c’était devenu trop loin. Ce sont de beaux textes qui nous font du bien. Remerciez vos collègues aussi.

    Je suis convaincu qu’il y a plusieurs manières de montrer que nous sommes Eglise, communauté et paroisse et que chacune a quelque chose de beau à donner et à partager.
    Encore merci… Et si tu penses à changer le vieil ordinateur sous Windows XP… Sûr qu’on peut trouver un MS-DOS à la cave. ;-P
    Merci et belle suite à toi. Prends soin de ta petite famille.

  • pepscafe

    Bonjour Philippe,

    excellente réflexion, allant bien au-delà d’un simple bilan.
    Effectivement, il est important de souligner, comme vous le faites, que ces pratiques alternatives temporaires ne seront jamais « qu’un compromis qui ne peut pas remplacer l’expérience et le vécu d’un culte en présence, dans une communauté locale. Ce (qui est proposé) n’est donc qu’une solution imparfaite, ayant pour but de palier à un manque temporaire. Ces types de cultes ne sauraient devenir la norme sur le long terme ». D’où l’importance de ne pas perdre de vue ce qu’est l’Eglise et de garder « le manque (de rassemblement) actuel en bouche » pour aspirer d’autant mieux à le retrouver. La frustration actuelle permet également de prendre conscience à quel point le rassemblement est un don de grâce.
    Merci enfin pour le partage de l’article « média ou communauté », très pertinent et dans lequel je me reconnais, en toute humilité : « Tenir un blog, c’est adopter un état d’esprit. Penser que le partage est plus important que la communication frontale. Imaginer qu’être imité (suite à un partage d’expérience) est une chance. Et que la liberté de s’exprimer est un privilège ».

    Bon courage et prenez bien soin de vous,

    Fraternellement,

    Pep’s

  • Bertrand Quartier

    Merci pour ce bilan ! Sans être allé jusqu’à l’interactivité en direct, nous avons (paroisse EERV du Jorat) diffusé 2 cultes sur Youtube (relais site internet + facebook). Le 3e est en préparation pour ce dimanche 26 avril. Format 30′. https://www.youtube.com/channel/UCWWwKKDfXZnS4AljD1QjMpw
    Je rejoins l’essentiel du bilan, mais ce que je relève aussi, ce sont les retours provenant de personnes ou familles – oui, des familles 😉 – qui ont regardé l’un ou l’autre culte sur leur terrasse, dans la forêt autour du feu ou… à la maison. Des personnes et des familles qui ne seraient pas forcément venue assister à un « vrai » culte.
    Alors bien sûr, on aspire à retrouver la communauté « comme avant », mais je me pose la question de la poursuite de cette offre, moins régulièrement certes, comme proposition alternative. Certes, il existe pléthore de cultes, méditation et autres formats en ligne, mais je constate que si ce sont des intervenants locaux qui les proposent, cela attire plus et fait du bien (du lien).
    A suivre donc…
    Bertrand

    • Philippe Golaz

      Merci Bertrand de ton retour. J’ai rapidement regardé le culte de Pâques que j’ai trouvé chouette. Je me demande par contre pourquoi avoir choisi de filmer dans une salle GodlyPlay plutôt que dans le lieu de culte ? Ou est-ce que les deux ne font qu’un ?
      Tu relèves avec raison que par ces formats, on a la chance de pouvoir rejoindre des personnes qui ne font pas nécessairement partie du noyau dominical, notamment des familles mais pas que. Je crois qu’il ne faudra pas trop rapidement mettre internet au placard une fois sortis du confinement, car c’est une porte d’entrée importante pour beaucoup en 2020.

  • Diane Friedli

    Merci Philippe et bravo pour tes cultes en streaming. Ceux-ci sont de grande qualité et un partie importante de leur « réussite » dépend du fait que tu es à l’aise avec les outils que tu utilises.
    J’ai aussi ressenti un certain malaise en visionnant des cultes ou des méditations mal filmés, avec un son de mauvaise qualité, avec un.e pasteur.e qui ne regarde pas l’objectif, etc. C’est louable de se lancer et d’essayer des choses que nous n’avons jamais faites, mais la qualité n’est pas toujours au rendez-vous malheureusement.

    Tu relèves que ces cultes à distance ne remplacent pas l’expérience et le vécu d’un culte en présence, dans une communauté locale. C’est vrai pour certains. Mais je trouve important aussi de relever que pour certaines personnes, se rendre au temple est difficile. Parce qu’elles ne se sentent pas à l’aise dans une communauté à laquelle elles ne se sentent pas appartenir, parce qu’elles n’apprécient pas la liturgie, parce que les formes cultuelles ne leur parlent pas ou pour bien d’autres raisons qui leur appartiennent. Avoir accès au contenu spirituel et théologique et pouvoir « pratiquer » le culte à sa façon abaisse considérablement le seuil, pour reprendre une expression très à la mode dans nos milieux…

    Bonne suite dans ton ministère et merci pour tes partages d’idées et de réflexions.
    Diane

    • Philippe Golaz

      Merci Diane de tes remarques. Merci aussi pour les impulsions créatives que tu partages de ton côté !

      La difficulté de certaines personnes de se rendre au culte, et donc l’intérêt qu’elles ont pour des contenus qu’elles peuvent consommer à leur rythme et selon leurs goûts, m’interpelle depuis longtemps. Dans mes visites, je rencontre souvent des personnes qui comptent sur le culte radio ou TV, et qui refusent de (re)venir dans une communauté parce que telle personne a eu une parole malheureuse il y a 20 ans, parce que tel pasteur ne leur a pas assez rendu visite en son temps, etc. Elles risquent alors de rentrer dans une dynamique où elle n’acceptent d’entendre que ce qui les brosse dans le bon sens du poil. Ainsi, quelques personnes m’ont avoué mettre la TV en sourdine ou arrêter le culte radio si le/a pasteur/e abordait un sujet qui les dérangeait, si sa voix ne leur plaisait pas, s’il prêchait trop longtemps. Il devient alors difficile de faire de la place à l’Evangile en tant que parole subversive. Ces offres sont importantes pour celles et ceux qui ne peuvent pas se rendre au culte pour différentes raisons, temporairement ou définitivement. Mais à trop s’y attacher, et à en faire son seul lieu de spiritualité, on se créé petit à petit un oreiller de paresse, et une « bulle » confortable. Il n’y a pourtant rien de plus inconfortable que l’Evangile.

  • Plume

    Peut-être qu’il faut aussi voir l’âge des personnes qui ne vont pas au cultes… parler d’oreiller de paresse à des personnes de 80 et plus… qui ont de la peine avec le mouvement, la marche, qui entendent mal et qui voient mal… je trouve un peu irrespectueux. De même si ces personnes ne sont plus capables de relativiser, de pardonner ou de faire fi une blessure, une parole imparfaite. Elles ont des limites, oui, à l’Eglise d’en tenir compte. Ces personnes « consomment » le culte comme il leur plaît, c’est tant mieux. La parole de l’Evangile subversive, ils l’ont entendue leur vie durant. Pour ce qui est de ma personne, j’ai confiance en Dieu qui me donne ce don j’ai besoin dans une forme qui me va. Et croyez moi l’Evangile reste encore bien subversif, enfin cela dépend de la prédication qui en est faite. Alors oui je réfute l’idée de l’oreiller de paresse. La vie communautaire ne me manque pas du tout, bien au contraire, elle me plombe souvent. Les compromis théologiques pour ne pas heurter cette dernière, aussi.
    Comme s’il n’y avait que des cultes qui bousculent ! Je vis dans une forme de silence qui rend le culte mensuel extrêmement dense et fort. Oui, je choisi ce que je vais écouter et Dieu va parler à mon âme, mon cœur et mon esprit pendant 3 à 5 semaines. Ce culte je vais le déguster à la petite cuillère comme on dit, il va faire sens dans ma vie résonner avec mon actualité, l’actualité au sens plus large et me mettre en route, m’enrichir et me renouveler.
    Finalement, nous sommes tous appelé à vivre la liberté, y compris cultuelle. Il n’y a pas une seule et bonne manière de vivre le corps du Christ, le culte en communauté en est une, il y en a d’autres. qui ne mérite en aucune manière d’être traitée d’oreiller de paresse.

    • Philippe Golaz

      Chère Plume, je vois que je vous ai heurtée et je m’en excuse. Quand je parle d’un oreiller de paresse, je parle bien d’un risque, et pas d’un automatisme. Il y a également des risques qui se présentent à nous dans le culte en commun (celui de la relation, de la blessure faite ou subie, de la parole malheureuse dite ou reçue, etc.) y compris celui de l’oreiller de paresse, lorsque certaines habitudes deviennent des dogmes confortables. Quel que soit le chemin que nous entreprenons pour nourrir la foi, il convient d’être conscient de ses bienfaits et de ses risques, afin de pouvoir les anticiper et y pallier. Vous vivez et nourrissez votre foi d’une certaine manière, une autre personne la vivra et la nourrira autrement. Dans tous les cas, il convient de faire attention à avoir un régime spirituel équilibré. Comme je l’ai écris, je suis tout à fait conscient que pour certaines personnes, il n’y a pas d’autres alternatives sur le moyen ou le long terme. Alors, les offres « à distance » (que ce soit sur internet, à la radio ou à la TV), permettent à ces personnes de continuer à nourrir leur foi (j’ai d’ailleurs lourdement investi ces autres lieux depuis deux mois maintenant). Mais il y a une différence entre être dans l’incapacité de prendre part au culte en commun, et choisir de vivre sa foi en dehors d’une communauté. Je crois qu’il faut prendre au sérieux l’exhortation de Paul en Hébreux 10:25 : « N’abandonnons pas non assemblées ». Car c’est uniquement dans nos assemblées qu’il nous est donné de vivre le commandement d’amour du Christ dans ses aspects les plus difficiles (aimer celui ou celle qui nous a blessé, se laisser aimer par celui ou celle que nous avons blessé, et ensemble cheminer vers le pardon). Après tout, l’Eglise n’est pas un havre pour les saints, mais un hôpital pour les malades.

      Que la grâce et la paix de notre Seigneur soit avec vous.

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