Eglise

Comprendre le culte – partie 5 : La Sainte Cène

Si je repense à mes premiers pas dans l’Eglise et dans le culte, le temps de la Cène était à la fois un moment que j’aimais beaucoup vivre (et que j’aime beaucoup vivre encore aujourd’hui), et qui me semblait très cryptique. Ils s’y passaient plein de choses que je ne comprenais pas vraiment, différents gestes, des prières, des chants qui n’étaient utilisés qu’à ce moment-là. Ce n’est que lorsque j’ai commencé à célébrer la Sainte Cène que je suis arrivé à en apprécier toute la dimension de sa liturgie.

Pour situer la Sainte Cène dans le culte, voici une structure générale. Cliquer sur les titres pour consulter les articles dédiés (ils seront ajoutés au fut et à mesure des prochaines semaines et les liens seront ajoutés au moment opportun), ou ici pour l’article introductif à cette série.

Préface

La préface est une prière que l’on retrouve dans l’ensemble des traditions chrétiennes. L’officiant la prie en élevant les mains vers Dieu et y redit le Salut que le Christ a offert par son sacrifice sur la Croix. C’est dans cette prière que se dit le lien entre la Sainte Cène et l’événement de la Résurrection du Christ à Pâques. Il y a un soucis à communiquer aussi certains éléments de doctrine dans cette prière, ce qui a tendance à la rendre parfois un peu rigide. La préface se poursuite avec le Sanctus (voir ci-dessous)

Exemple de préface

Père,
il est juste et bon de te rendre gloire et de t’offrir notre reconnaissance pour l’œuvre de Jésus-Christ, notre Seigneur.

Innocent,
il s’est laissé juger et condamner comme un criminel. En donnant pour nous sa vie sur la croix, il a détruit notre égoïsme et pardonné notre péché.

Ressuscité,
il nous fait vivre d’une vie nouvelle. Il nous confie son œuvre d’amour et de pardon.

C’est pourquoi, avec toute ton Eglise et les témoins de tous les temps, nous chantons ta gloire :
[Saint, saint, saint est le Seigneur !]

Sanctus

Emprunté à l’Ancien Testament, le Sanctus, qu’il soit récité ou chanté, dit la sainteté de Dieu en reprenant notamment le chant des anges d’Esaïe 6:3. A cela, on y ajoute la proclamation de la foule lors de l’entrée de Jésus à Jérusalem de Matthieu 21:9.

Exemple de Sanctus

Saint ! Saint ! Saint, le Seigneur, Dieu de l’univers !
Le ciel et la terre sont remplis de ta gloire.
Hosanna au plus haut des cieux !
Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur.
Hosanna au plus haut des cieux !

Institution

S’ensuit le récit de l’institution. Dans les Eglises protestantes, seuls les gestes pour lesquels nous trouvons des instructions explicites du Christ sont considérés comme étant des sacrements. Ainsi, ne subsistent chez nous que la Cène et le baptême avec ce statut. Et lorsque nous les célébrons, nous relisons les textes où Jésus nous enseigne de faire ces gestes-là.

Exemple d’institution

Voici comment notre Seigneur a institué son repas : Pendant le repas, Jésus prit du pain et, après avoir prononcé une prière de bénédiction, il le partagea et le donna à ses disciples ; il leur dit : « Prenez et mangez, ceci est mon corps. » Il prit ensuite une coupe de vin et, après avoir remercié Dieu, il la leur donna en disant : « Buvez-en tous, car ceci est mon sang, le sang de l’alliance de Dieu qui est versé pour une multitude de gens, pour le pardon des péchés. Je vous le déclare : dès maintenant, je ne boirai plus de ce fruit de la vigne jusqu’au jour où je le boirai nouveau avec vous dans le règne de mon Père. » 

Matthieu 26:26-29 (NFC)

Anamnèse et épiclèse

« C’est quoi ces mots de barbares qu’il nous sort ?! » vous dites-vous peut-être. Anamnèse signifie « faire mémoire ». C’est aussi un terme employé en médecine pour désigner l’historique d’un patient, de sa (ou ses) maladie, des traitement, etc. Mais je m’égare. En Eglise, l’anamnèse est la suite logique de l’institution où, selon les textes, Jésus ajoute « faites ceci en mémoire de moi ». D’ailleurs, la prière commence souvent par « nous nous souvenons… ».

L’Epiclèse, quant à elle, est une prière à Dieu le Père pour qu’il envoie le Saint-Esprit et sa force créatrice. D’ailleurs, épiclèse signifie « appeler sur ». C’est ainsi, par la puissance de l’Esprit Saint, que le geste de communier au pain et au vin devient plus que cela, qu’il devient communion au corps et au sang du Christ, c’est-à-dire à Sa vie même. Cette prière est intégrée directement à la suite de l’anamnèse, et souvent le tout se termine avec la prière du Notre Père par toute l’assemblée.

Exemple d’anamnèse et épiclèse

Devant cette table, Père, nous rappelons les souffrances et la mort de Jésus de Nazareth.
Nous nous réjouissons de sa résurrection : elle nous donne l’assurance de sa présence auprès de nous.
Nous attendons le jour où son Règne sera établi sur toute la création, sur toute créature.

Maintenant, Père, donne-nous ton Esprit Saint.
Fais de ce pain et de ce vin la vie même du Christ.
Qu’elle nous pénètre, qu’elle nous transforme à son image et nous fasse participer à son œuvre.

Dans cette espérance, nous nous unissons pour te prier avec Jésus :

Notre Père…

Fraction et élévation

Dans certaines traditions, vous verrez le célébrant rompre le pain et élever la coupe au moment de la lecture de l’institution. En régime réformé occidental, il est de coutume de séparer les deux moments afin d’éviter de signifier que le célébrant serait le Christ. Ces gestes sont accompagnés des formules (quasi) invariables

Le pain que nous rompons est la communion au corps de notre Seigneur Jésus-Christ
La coupe de bénédiction pour laquelle nous rendons grâce est la communion au sang de notre Seigneur Jésus-Christ

Communion

Nous désignons par communion le fait de partager le pain et le vin (et/ou jus de raisin parfois selon les usages du lieu). Cette communion peut se faire de différentes manières. Soit en défilé où l’on reçoit d’un officiant le pain avant de recevoir d’un autre officiant le vin. Soit rassemblés en cercle autour de la table, où le pain et la coupe de vin circulent d’une personne à l’autre. S’il est courant qu’une parole accompagne le don du pain (« le corps du Christ » ou « le pain de vie »), les réformés semblent plus réservés pour le vin qui ne s’accompagne que rarement d’une parole similaire (« le sang du Christ »).

Prière finale

Cette dernière prière est « finale » de deux manières. D’abord c’est la dernière prière à être dite dans la célébration. Ensuite, c’est une prière qui ouvre sur les temps derniers et l’accomplissement des promesses de Dieu. Par cette prière, nous en appelons à Dieu afin qu’il nous aide à persévérer dans cette communion renouvelée.

Exemple de prière finale

Dieu Père céleste,
Nous te bénissons pour le bien que tu nous as fait en nous recevant à la communion de ton Fils, Jésus-Christ, notre Seigneur; pour nous, tu l’as livré à la mort, et tu nous l’as donné en aliment de vie éternelle; accorde-nous aussi maintenant, dans ta grâce, de n’oublier jamais un si grand bienfait, mais de le graver dans nos coeurs pour avancer continuellement dans la foi; que cette foi fructifie par toutes sortes de bonnes oeuvres, et que notre vie tout entière soit consacrée à ta gloire et à l’édification de notre prochain, par Jésus-Christ, ton Fils, qui vit et règne avec toi, dans la communion du Saint-Esprit, un seul Dieu, éternellement béni.

Amen

Jean Calvin

Et plein d’autres trucs

Ce qui est génial avec la liturgie de Cène, c’est qu’on peut encore y ajouter plein de trucs, et en réorganiser certains. Chaque pasteur étant persuadé que sa manière de faire est la bonne. Mais entre nous, la seule vraie et juste manière, c’est celle présentée ici, of course ! Selon vos lieux et vos pasteurs, le Notre Père peut se retrouvé insérer à la toute fin de la Sainte Cène. Il peut y avoir aussi un geste de paix, une prière de communion aussi connue sous le nom de prière d’humble accès. Certains y ajouteront un Agnus Dei, un memento, un dialogue ou encore une doxologie.

Si chacun de ces textes a sa beauté, son sens et sa porté qui lui est propre, chaque ministre doit aussi faire des choix. J’en ai fait certains (qui changent parfois), et je suis curieux de savoir quelles sont les particularités en matière de Sainte Cène dans vos contextes respectifs. Pour cela, je vous invite à utiliser l’espace de commentaire un peu plus bas.

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Pasteur dans l'EPG, je partage ici diverses réflexions, prédications et expériences, en espérant créer la discussion afin que nous puissions nous enrichir mutuellement.

3 Comments

  • Minger

    Pour Calvin les paroles prononcées par Jésus lors de son dernier repas, donc instauration de l’Eucharistie , ce qui à la cène était offert par préfiguration est désormais accompli  » en mémoire « , par commémoration, par préfiguration est désormais accompli  » en mémoire « , par commémoration. « ceci est mon corps, ceci est mon sang… « Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance »

    Mais le pain et le vin sont, pour Calvin, est une figure de style, une image. Ils représentent le Christ, mais ne sont pas vraiment le Christ. De même que, dans la Bible, la colombe représente l’Esprit Saint, mais n’est pas l’Esprit Saint.

    C’est pourquoi , il n’est pas possible de considérer la communion sur le même niveau et la même valeur spirituelle , catholique -orthodoxe et la cène instaurée par Calcin …Il en est de même pour les sacrements !

    • Philippe Golaz

      Merci Minger pour cette plongée dans la pensée de Calvin. Pour ajouter une précision, si en effet dans la théologie de Calvin le pain et le vin sont des signes servant à rappeler la vie, la mort et la résurrection du Christ – événement unique et suffisant pour le Salut de quiconque croit – la Cène a aussi une portée spirituelle. Par la Cène, l’Alliance qui nous unit à Dieu est réaffirmée et renouvelée (Inst. IV, XVII, 1). « Il convient de se garder de deux erreurs. La première consiste à amoindrir trop les signes et à les séparer des mystères auxquels ils sont, en quelque sorte, joints et donc à en réduire l’efficacité. L’autre, à l’inverse, qu’en les magnifiant avec excès, on n’en obscurcisse la puissance intérieure. » (Inst. IV, XVII, 5) Calvin précise son rejet d’une compréhension de la Cène qui ne serait qu’un acte à portée cognitive ou commémorative un peu plus loin : « Nous sommes vivifiés par la vraie participation qu’il nous donne avec lui, signifiée par les mots « boire » et « manger », afin que personne ne pense qu’il s’agit seulement d’une simple connaissance. De même que manger le pain, et pas uniquement le regarder, apporte au corps de la nourriture, de même il faut que l’âme soit vraiment faite participante de Christ pour être vivifiée par la vie spirituelle. » (Inst. IV, XVII, 5)
      Ainsi, pour Calvin, si le pain reste du pain et que le vin reste du vin, le fait de prendre part à la Cène avec foi, a une dimension spirituelle dans laquelle nous devenons participants à la vie du Christ. Par sa participation aux sacrements, le chrétien se fait aussi participant à une réalité spirituelle. L’adoption en tant qu’enfant de Dieu par le baptême, et le renouvellement de l’Alliance par la Cène, renouvellement rendu nécessaire par la faiblesse de l’âme humaine.

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