Eglise

Une Eglise de témoins. Mais témoins de quoi ?

Une Eglise de témoins. Mais témoins de quoi ?
Suite à la décision de l’Eglise Protestante Unie de France de permettre aux couples de mêmes sexe d’accéder à la bénédiction de mariage (ici, le communiqué du Synode national), c’est la question qui me taraude depuis quelques jours et qui suscite en moi une grande tristesse. Je ne parle pas ici de la décision elle-même, ou de son contenu et sa portée théologique, mais bien plutôt de l’attitude des fidèles de tous bords, au-delà même des limites de l’EPUdF, qui rendent au monde un bien triste témoignage de ce qu’est l’Eglise.

C’est sur internet, qui peut certes être un bel outil mais qui présente également ses dangers, que se cristallise ce contre-témoignage – auquel participent aussi bien les conservateurs les plus zélés que les libéraux les plus fervents – où l’on voit depuis quelques jours les uns et les autres se tirer dans les pattes, se qualifier mutuellement d’obscurantistes et de fanatiques et j’en passe. Si cette décision cherchait à faire évoluer l’Eglise et offrir un témoignage d’ouverture, de respect et d’amour envers l’extérieur, c’est ici tout le contraire qui est démontré, et c’est essentiellement ça que la majorité de la population va retenir. Lorsque l’EERV a pris une semblable décision qui n’a pas manqué de réveiller et de susciter des tensions et divisions internes et de les exposer sur la place publique, les réactions de personnes hors-église autour de moi étaient exclusivement de l’incompréhension face à une église qui d’un coup paraissait profondément divisée et en désaccord avec elle-même.

Le problème de la division en Eglise n’a absolument rien de nouveau, et j’ai été étonné hier soir, en ouvrant ma Bible à la recherche de quelques pistes de réflexion, de la quantité de textes qui nous parlent de cela, à commencer par Paul dans la première lettre aux Corinthiens qui dès le premier chapitre leur écrit:
« Je vous supplie, frères et sœurs, par le nom de notre Seigneur Jésus-christ, de tenir tous le même langage. Qu’il n’y ait pas de divisions parmi vous, mais soyez parfaitement unis dans le même état d’esprit et dans la même pensée » (1 Co 1:10).
« Un frère est en procès contre un frère, et cela devant des incroyants! C’est déjà pour vous un échec complet que d’avoir des procès les uns avec les autres » (1 Co 6:6-7).
« Qu’il n’y ait pas de division dans le corps mais que tous les membres prennent également soin les uns des autres » (1 Co 12:25).

Aux Ephésiens il écrit: « Je vous encourage donc, moi, le prisonnier dans le Seigneur, à vous conduire d’une manière digne de l’appel que vous avez reçu. En toute humilité et douceur, avec patience, supportez-vous les uns les autres dans l’amour. Efforcez-vous de conserver l’unité de l’Esprit par le lien de la paix. Il y a un seul corps et un seul Esprit, de même que vous avez été appelés à une seule espérance par votre vocation » (Eph. 4:1-4)

Aux Romains aussi : « Vivez en plein accord les uns avec les autres. N’aspirez pas à ce qui est élevé, mais laissez-vous attirer par ce qui est humble. Ne vous prenez pas pour des sages. » (Rm 12:16)
« afin que tous ensemble, d’une seule voix, vous rendiez gloire au Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-christ. Accueillez-vous donc les uns les autres comme Christ vous a accueillis, pour la gloire de Dieu. » (Rm 15:6-7)

Dans la première épître de Pierre nous lisons: « Enfin, ayez tous les mêmes pensées et les mêmes sentiments, soyez pleins d’amour fraternel, de compassion, de bienveillance. » (1 Pi 3:8)

Alors oui, les problèmes auxquels les gens de Colosses, d’Ephèse ou de Rome font face sont différents de ce dont il est question ici, mais cela n’enlève rien au fait que le Nouveau Testament ne cesse de nous appeler à l’unité, à la cohésion et il nous met en garde contre les dangers des rivalités internes. « Si vous vous mordez et vous dévorez les uns les autres, attention: vous finirez par vous détruire les uns les autres » (Gal 5:15), mais déjà Jésus relevait que « tout royaume confronté à des luttes internes est dévasté et les maisons s’écroulent l’une sur l’autre » (Luc 11:17). Il nous appelle enfin à porter devant le monde un témoignage cohérent avec ce fameux commandement d’amour que l’on s’est jeté à la figure dans la discussion, en nourrissant les fruits de l’Esprit auxquels Paul à nouveau nous exhorte en Galates 5:22 que sont « l’amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bienveillance, la foi, la douceur, la maîtrise de soi. » Je les ai cherchés, ces fruits de l’Esprit, dans les différents commentaires et les différentes réactions sur internet, mais j’ai malheureusement eu beaucoup de peine à les trouver, chez les uns ou chez les autres. C’est donc avec les mots de la prière dite de Saint François d’Assise que je veux conclure.

Seigneur, faites de moi un instrument de votre paix.
Là où il y a de la haine, que je mette l’amour.
Là où il y a l’offense, que je mette le pardon.
Là où il y a la discorde, que je mette l’union.
Là où il y a l’erreur, que je mette la vérité.
Là où il y a le doute, que je mette la foi.
Là où il y a le désespoir, que je mette l’espérance.
Là où il y a les ténèbres, que je mette votre lumière.
Là où il y a la tristesse, que je mette la joie.
Ô Maître, que je ne cherche pas tant à être consolé qu’à consoler, à être compris qu’à comprendre, à être aimé qu’à aimer, car c’est en donnant qu’on reçoit, c’est en s’oubliant qu’on trouve, c’est en pardonnant qu’on est pardonné, c’est en mourant qu’on ressuscite à l’éternelle vie.
AMEN

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Pasteur dans l'EPG, je partage ici diverses réflexions, prédications et expériences, en espérant créer la discussion afin que nous puissions nous enrichir mutuellement.

8 Comments

    • golazphil

      Merci pour votre message.
      En effet, la paix dont il est question n’est pas une immobilité, ce n’est pas une « absence de », mais c’est une mise en mouvement également, une paix active, qui nous transforme et cherche à faire fructifier le bien de Dieu.

  • Isaac

    Une Église unie, bien sûr! D’une même pensé, d’un même coeur, d’une même voie. Mais alors la pensé, le coeur, et la voie du Maître, pas la nôtre, pas celle du siecle present qui veut s’imposer à nous. L’Église doit être colone et apuie de la vérité, quand elle cesse d’être cela, elle perds de sa raison d’être église.

  • Pierrick

    Je pense et j’agis… Comme un Chrétien … un humain gagné par le Christ, convaincu par le message de la Bible « parole de Dieu » et « Sola scriptura » loin de toute interprétation humaine. L’Eglise corps de Christ, et voulue par Dieu ne ressemble pas a l’institution humaine qui se conforme à la société actuelle, qui transforme et interprète le message de l’évangile. Je suis Chrétien !

    • golazphil

      La Bible demande pourtant à être interprétée dans le sens qu’elle demande de notre part de faire un effort particulier de compréhension afin d’en saisir toutes les dimensions et toute la profondeur de sens. Interpeller ne signifie pas nécessairement « tordre le texte » ou lui faire dire autre chose, mais au contraire cela signifie chercher à en révéler tout le sens. Les paraboles de Jésus demandent à être interprétées afin d’en développer tout le potentiel. Dans l’Ancien Testament Daniel est un interprète, de même que les prophètes. Le challenge est de s’appliquer à présenter une interprétation fidèle au texte, et de développer un discours pour aujourd’hui fidèle à l’intention et à l’Esprit qui inspire le texte de la Bible.
      De son côté, l’église institution, en tant qu’institution, cherche du mieux qu’elle peut à être fidèle à cet Esprit, et bien que composée par des hommes au milieux des hommes, elle cherche à se faire semblable à l’Eglise de Dieu comme corps du Christ, et cela peut parfois la conduire dans des contradictions justement parce qu’elle cherche à faire le lien, à être une porte d’entrée pour les hommes dans le Royaume.

  • Ludovic P.

    Effectivement, la sola scriptura est l’interprétation de la Bible, mais interprétation de la Bible par elle-même. Tu cites de nombreux versets allant dans le sens d’une unité à préserver (à tout prix peut-être) contre toute division (même si dans le débat en question, les discussions houleuses ne sont en réalité que les ondes de choc d’une cassure et d’une division de fait créée par la décision qui a été prise).

    Mais j’aimerais surtout connaitre quelle est la lecture que tu fais d’autres versets:

    « Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre : je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive.
    Oui, je suis venu séparer l’homme de son père, la fille de sa mère, la belle-fille de sa belle-mère : on aura pour ennemis les gens de sa propre maison. » (Matthieu 10, 34-36)

    « Je m’étonne que vous vous détourniez si promptement de celui qui vous a appelés par la grâce de Christ, pour passer à un autre Evangile. 7Non pas qu’il y ait un autre Evangile, mais il y a des gens qui vous troublent, et qui veulent renverser l’Evangile de Christ. 8Mais, quand nous-mêmes, quand un ange du ciel annoncerait un autre Evangile que celui que nous vous avons prêché, qu’il soit anathème! » (Galates 1, 6-8)

    « Si ton frère vient à pécher, va le trouver et reprends-le, seul à seul. S’il t’écoute, tu auras gagné ton frère.
    S’il n’écoute pas, prends encore avec toi un ou deux autres, pour que toute affaire soit décidée sur la parole de deux ou trois témoins.
    Que s’il refuse de les écouter, dis-le à la communauté. Et s’il refuse d’écouter même la communauté, qu’il soit pour toi comme le païen et le publicain. » (Matthieu 18, 15-17)

    On pourrait citer encore beaucoup de textes qui ne vont pas dans le sens d’une unité lisse à préserver mais plutôt d’une séparation tranchée au nom de la vérité (la vérité que Paul rattache à « son » Evangile, la Vérité qu’est Jésus Christ comme un glaive, ou encore la correction fraternelle).

    Du coup j’ai plusieurs questions:
    -Comment articules-tu les textes que j’ai cité avec les textes que tu as cités ?
    -Quelle est la limite, s’il y a une limite, à l’unité ? L’unité est-elle à défendre à tout prix ?
    -Ne faut-il pas garder une tension dialectique entre unité d’un coté et vérité tranchante de l’autre, sans quoi on en vient immanquablement à sacrifier l’une au profit de l’autre ?

    Je me réjouis de ton retour pour en débattre avec toi, quoi que je ne doute pas qu’au fond nous partageons « un même sentiment, un même amour, une même âme, une même pensée. » (Philippiens 2,2) 😉

    • golazphil

      Merci Ludovic d’amener cette autre dimension dans la discussion, et tu le fais avec raison. Je n’ai pas abordé ces versets-là dans mon article principalement parce qu’ils ont été cités à de nombreuses reprises dans les discussions peu fraternelles auxquelles je fais référence, et parce que cet article ayant été écrit rapidement, je n’ai pas non plus développé l’idée d’unité jusqu’aux limites de celles-ci.

      Pour répondre à tes questions maintenant, j’estime que le premier verset est plutôt dirigé vers l’extérieur alors que les deux autres sont tournés vers l’intérieur de l’Eglise. Le message dont le Christ s’est fait le porteur et qui nous est transmis dans les évangiles, exigeant de la part de celui qui l’entend de se positionner de manière claire et radicale, implique de « trancher » dans le tissus de la société, du monde, entre celles et ceux qui s’attachent à la Parole de Dieu et les autres, et cette séparation se vit à l’intérieur de nos foyers, entre un père et son fils, entre une fille et sa mère.

      Les deux autres versets que tu cites tournés vers l’intérieur de l’Eglise en ce qu’ils parlent de divisions internes à la communauté, soit dans l’unité impossible avec un autre frère, soit dans la proclamation d’un Evangile non conforme à la vérité du Christ (qui fait d’ailleurs écho à l’image d’en-tête de l’article), et font échos à notre expérience d’une unité recherchée qui se retrouve mise à mal quand malgré nos efforts pour résoudre des tensions, celles-ci viennent à céder.

      Il y a, oui, une limite à l’unité, et l’unité à laquelle l’Eglise doit tendre n’est pas une unité à tout prix, mais une unité conforme à l’Evangile, rendue possible par l’action du Saint Esprit. Ce que je cherche à dire, c’est que quand une cassure intervient dans l’Eglise, quand cette unité vers laquelle nous voulons tendre échoue, il faut y comprendre également un échec de l’Eglise qui n’a pas su se maintenir dans l’unité de l’Esprit. Celles et ceux qui voudraient se réjouir d’une telle décision et de ses conséquences parce que cela aurait permis de se débarrasser des « indésirables » de l’Eglise, ont une attitude bien loin de celle à laquelle l’Evangile nous appelle.
      Cette « tension dialectique entre unité d’un coté et vérité tranchante de l’autre » dont tu parles, j’y adhère totalement. Mais comme je l’ai dit plus haut, la vérité tranchante est tranchante et porteuse d’inimitiés entre le monde et l’Eglise de Jésus Christ, opérant une distinction radicale entre les deux, alors que cette Eglise reste unie en elle-même (cela dans un monde idéal). Il faut donc se méfier quand c’est l’inverse qui est attesté, à savoir une église qui cherche à s’unir avec le monde, en tranchant de le vif des membres qui la compose.

  • Béréenne attitude

    Bonsoir,
    Merci pour cet article apaisant. Je n’entre pas en matière sur le fond (le sujet), qui est générateur d’émotions et un point dans un sujet bien plus global à mes yeux : l’approche de la Bible, En fait, ton (ou votre, généralement, sur Internet, on se tutoie tous) article, est en lui-même la démonstration de cette approche. Il reprend plusieurs passages de La Bible comme ‘norme à suivre’ (« Je vous supplie, frères et sœurs, par le nom… » (1 Co 1:10). « Un frère est… » (1 Co 12:25). Aux Ephésiens il écrit: « Je vous encourage donc… » (Eph. 4:1-4)
    En considérant ces versets-ci comme ‘des guides (des exhortations, etc) la question de Romains 1 n’est plus censée se poser. Il me semble qu’il n’est pas possible de considérer comme importants certains « messages » de La Bible comme important et pas d’autres. Selon quels critères sélectionner des ‘morceaux choisis’ ? Soit les apôtres nous enseignent ‘en entier’ … soit … ? La Bible peut-elle se consommer par échantillons ? Quelles valeurs, quels crédits auront ces échantillons ?

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