Société

« La vie de JC » et les limites de l’humour

Depuis quelques semaines, les téléspectateurs romands ont droit, chaque samedi à 20h10 sur la RTS, à un épisode de la série « La vie de JC« . Une série réalisée par Zep, et où figurent une brochette d’humoristes romands, dont Vincent Veillon qui y campe le Fils de Dieu. La série cherche à aborder « avec légèreté et humour les grandes histoires autour de la vie de JC », dixit le site de la RTS. Les réactions diverses, parfois virulentes, semblent indiquer que l’objectif est manqué.

Initialement plutôt enthousiaste à l’idée d’une série décalée et grand public sur cette thématique, j’ai rapidement déchanté, et n’ai subi regardé les épisodes que par curiosité (et par FOMO peut-être aussi un petit peu). De nombreux médias se sont fait l’échos des diverses critiques (ici, ici, ou , et encore de ce côté), et Zep lui-même est venu défendre son projet dans l’arène médiatique. Au point que j’avais initialement renoncé à écrire ici sur le sujet, ne sachant pas quoi dire qui n’ait été déjà dit. A ce propos, je recommande vivement la lectures des billets du professeur Olivier Bauer qui propose une critique constructive de chaque épisode : L’intérêt théologique de la série « La vie de JC ». Mais les multiples interpellations de paroissiens me poussent à tenter de mettre par écrit mon point de vue, ne serais-ce que pour m’aider moi à y voir plus clair.

« La vie de JC », blasphématoire ou pas ?

Cela semble être la grande question, du moins dans les milieux chrétiens. Certains trouvent la série absolument géniale et attendent avec impatience chaque nouvel épisode, tandis que d’autres se disent scandalisés par le propos qu’ils qualifient de blasphématoire. A titre personnel, je n’ai ri qu’une seule fois à une seule blague (mais c’est parce que je suis bon public). Indépendamment du sujet, je trouve l’humour employé ici trop enfantin et déplacé pour me plaire. Zep me faisait rire quand j’avais 8 ans. J’ai grandi. L’humour de Zep, non.

Mais est-ce blasphématoire ? Je dois avouer avoir de la peine à me prononcer. Ici ou là, les blagues sont vaseuses, mais portent presque toujours sur les disciples qui – il faut le reconnaître – ne sont pas toujours des lumières même dans les évangiles. Un peu comme nous. J’ai été bien plus dérangé par des épisodes qui présentent le Père riant du malheur du Fils, ou qui placent dans la bouche du Christ la phrase « Le consul, on l’encule ! »

Quelques principes que je garde à l’esprit

J’essaie de me rappeler du Christ – celui des évangiles – qui sur la Croix a prié pour ceux qui s’étaient alors rendu coupable du plus grand des blasphème (humilier et mettre à mort le Fils de Dieu, rien que ça) : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font » (Luc 23:34).

Dans la première épître de Pierre, nous sommes invités à ne pas rendre le mal pour le mal. « Ne rendez pas le mal pour le mal, ne rendez pas l’insulte pour l’insulte. Au contraire, répondez : « Que Dieu te bénisse ! » En effet, quand Dieu vous a appelés, c’était pour vous donner une bénédiction. » (1 Pierre 3:9). Pierre fait ici écho à une parole du Christ : « Mais moi, je vous dis : aimez vos ennemis. Priez pour ceux qui vous font souffrir. » (Matthieu 5:44)

Au chapitre 18 de l’évangile selon Matthieu, Jésus enseigne ceci à ses disciples : « Si ton frère te fait du mal, va le voir et fais-lui des reproches quand tu es seul avec lui. S’il t’écoute, tu as gagné ton frère. S’il ne t’écoute pas, retourne le voir avec une ou deux personnes. De cette façon, “on jugera l’affaire avec deux ou trois témoins”. S’il refuse de les écouter, dis-le à l’Église. S’il refuse d’écouter l’Église, traite-le comme un non-Juif ou comme un employé des impôts. » (Matthieu 18:15-17) La situation est ici un peu différente, puisqu’il ne me semble pas que Zep ou Vincent Veillon tombent dans la catégorie des « frères » (en Christ, donc), si je me base sur leurs réponses à la question « croyez-vous en Dieu » posée par Philippe Revaz dans son interview télévisée. Ceci étant dit, nous pouvons faire preuve de diligence, et leur accorder de les reprendre en privé (dans la mesure du possible, bien évidemment), avant de chercher à trop rapidement crier au scandale

Je me dis aussi que le Christ est assez grand pour se défendre tout seul. Et que s’il a des compte à régler avec qui que ce soit, il saura s’en charger le moment venu. Je n’ai donc pas besoin de me faire son avocat. Dans les évangiles, justement, c’est le Saint-Esprit qui est appelé le « défenseur », non pas du Christ, mais de nous.

Des raisons de me préoccuper, quand même

Si la série « La vie de JC » me laisse sensiblement indifférent, je dois constater que ce n’est pas le cas auprès de mes paroissiens. Beaucoup sont dans l’incompréhension et se disent profondément heurté que la RTS, chaîne du service publique, puisse traiter avec tant de légèreté une thématique qui leur est si chère. Je ne crois pas qu’il y ait eu une quelconque intention de nuire tant du côté de la RTS que de Zep. Il y a par contre eu un manque de discernement, ce qui a conduit à générer des souffrances. Qu’elles aient été intentionnellement infligée ou non n’a pas d’importance ici. De mon côté, en tant que pasteur, mon rôle est d’accompagner ces blessures pour qu’elles puissent guérir. Mon rôle est d’accompagner ces personnes afin qu’elles puissent être libres de poursuivre leur chemin de foi.

Comment aller de l’avant ?

Je ne crois pas que de vouloir (faire) interdire de tels contenus soit la meilleure voie à suivre. Après tout, il me semble que faire de l’humour (même mal), est une forme de reconnaissance. Et là, c’est de l’humour à une heure de grande écoute. Si nous avons été blessés par certains propos, nous pouvons (et devrions) l’exprimer. Mais avec bienveillance et, dans la mesure du possible, directement auprès des personnes concernées en gardant en tête le principe de Matthieu 18 (en tenant compte des limites exprimées plus haut). Surtout qu’ici, je ne vois pas d’intention de blesser de la part des producteurs, réalisateurs ou acteurs.

Soyons attentifs et vigilants. Ne jugeons pas trop vite. Reconnaissons l’effort fait à creuser l’Evangile afin de produire cette série. Et prions pour qu’ils y rencontrent le véritable « JC ».

« Mais par-dessus toutes ces choses [revêtons-nous] de la charité, qui est le lien de la perfection. » (Colossiens 3:14)

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Pasteur dans l'EPG, je partage ici diverses réflexions, prédications et expériences, en espérant créer la discussion afin que nous puissions nous enrichir mutuellement.

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