Prédications

L’Eglise va-t-elle dans le mur ?

Lectures bibliques :

  • Genèse 17:1-8.15-17
  • Romains 4:13-25
  • Marc 8:31-38

Il y a deux semaines en arrière, j’ai été interpellé par une émission de radio sur Espace 2, l’émission Babel, avec pour titre « Les Eglises vont-elles dans le mur ? » La journaliste y avait invité le sociologue des religions Christophe Monnot et 2 personnes ayant quitté l’Eglise ont donné un témoignage. Leurs raisons pour avoir quitté l’Eglise étaient en fin de compte assez classiques je dirai. Pour l’une l’Eglise est trop déconnectée de la réalité et ce qui lui plaît dans l’Eglise, elle le trouve ailleurs mais en mieux. Pour l’autre, cette institution est ennuyeuse et répétitive. 

Alors, à la question : L’Eglise va-t-elle dans le mur ?, l’émission ne donne pas de réponse claire et définitive. Mais elle relève les défis majeurs auxquels nous devons faire face, tant sociaux, qu’économiques ou structurels.

Comment répondre à cette question ?

A cette même question j’ai envie de répondre : OUI et NON !

D’un côté, on peut dire que l’Eglise, et à Genève plus qu’ailleurs en Suisse, va droit dans le mur. Depuis 50 ans nous perdons des membres chaque année, jusqu’à 10% par an, et aucun des multiples efforts entrepris ces dernières décennies ne semble payer. A ce rythme-là, encore 10 ou 20 ans et on met la clé sous la porte.

Si je vous dit ça, ce n’est pas pour vous décourager. C’est pas soucis d’honnêteté et de vérité. Ce serait bien pire de vivre dans une forme d’illusion ou de fantasme d’une Eglise encore grande et en bonne santé.

Mais effectivement, si on se limite à cette perspective-là, nous allons droit dans le mur, et c’est trop tard pour redresser la barre. Il n’y a plus de raison d’espérer, et un nombre grandissant d’entre nous s’est résolu à cela, et attend patiemment que la mort vienne emporter l’Eglise Protestante de Genève.

Une remise en perspective

Mais cette Eglise n’est pas la nôtre. Elle ne nous appartiens pas et nous n’avons qu’un pouvoir limité sur elle. C’est de l’Eglise de Jésus-Christ dont nous parlons, l’Eglise du Dieu qui a vaincu la mort. C’est Lui qui est le chef de cette Eglise, pas le Consistoire ou la direction, n’en déplaise à certains. Lui, le Christ, Dieu, a le pouvoir de la relever, de lui donner un nouveau souffle, d’enfanter à nouveau des disciples de Jésus-Christ. Il y a toute raison d’espérer.

Lorsque nous entendons ceci : que l’EPG va engendrer à nouveau de nombreux fils et filles de Dieu, qu’elle est notre réaction spontanée ? N’est-elle pas celle d’Abraham lorsque Dieu lui annonce qu’il aura un fils et de nombreux descendants alors qu’il a 100 ans ? Est-ce qu’on ne rit pas un peu intérieurement ?

Espérer contre toute espérance

On m’a dit l’autre jour : « Philippe, tu es un optimiste, il faudrait redescendre sur terre. » 

Abraham entend Dieu lui-même lui faire directement cette promesse. Et cela ne l’empêche pas de la trouver absurde et incompréhensible, au point d’en rire. Il doit se dire en lui-même : « Il a rien compris, Dieu, à la biologie humaine. C’est un optimiste qui devrait redescendre sur terre ! C’est impossible pour un homme de 100 ans et une femme de 90 ans de concevoir un enfant. Quelle bonne blague ! »

Paul, dans l’épître aux Romains, écrit que Abraham a « considéré ce qui est atteint par la mort ». Il ne l’ignore pas. Il en prend acte, il en prend connaissance, et il va choisir malgré tout d’espérer contre toute espérance. J’aime beaucoup ce passage :

Espérant contre toute espérance, il crut et devint ainsi père d’un grand nombre de nations, selon ce qui avait été dit : Telle sera ta descendance

Romains 4:18

Rien de ce qu’Abraham pouvait voir, considérer et comprendre ne lui permettait a priori de penser qu’il puisse encore avoir un enfant. Cela avait l’air sans espoir. Et il espère contre toute espérance.

Quand nous considérons notre Eglise, déjà atteinte par la mort, car elle l’est, il ne faut pas le nier. Quand nous considérons notre Eglise mourante, osons espérer contre toute espérance !

Soli Deo Gloria

Maintenant, il y a une question qui mérite d’être posée. Pourquoi devoir en arriver là ? Si Dieu est Dieu, s’il est capable de tout, pourquoi nous avoir laissé nous retrouver dans cette situation-là ?

Quand Abraham et Sarah accueilleront Isaac, il est évident pour eux que c’est là l’oeuvre de Dieu. Paul écrit qu’Abraham, ayant considérer ce qui était atteint par la mort, rendit gloire à Dieu ! Il rend gloire avant l’accomplissement de la promesse. Il considère tout ce qu’il y a de mort et de mourant en lui et en Sarah et dit à Dieu : « De ça tu vas faire naître la vie ? Loué sois-tu ! Alléluia ! C’est merveilleux ! »

Ayant engendré Isaac à plus de 100 ans, il est évident, manifeste, indéniable pour lui et les siens, qu’il s’agit d’un miracle du Seigneur. Il y a peu de risques qu’il se congratule lui-même, mais alors la gloire revient à Dieu seul.

Si nos Eglises sont dans la situation actuelle, c’est peut-être aussi pour que lorsque la vie en sortira de nouveau, nous ne puissions pas nous féliciter parmi pour nos idées merveilleuses et nos talents. Mais que la seule chose que nous puissions faire, c’est de rendre gloire à Dieu et de reconnaître que cette descendance spirituelle et son oeuvre à Lui et à Lui uniquement. Soli Deo Gloria, un des principes de la Réforme justement.

Une foi en actes

Encore un dernier détail et je conclus. Mais ce détail à de l’importance à mon avis. Dans la Bible on trouve plusieurs récits de naissances miraculeuses. Le plus connu étant celui de Jésus de Nazareth. Mais il y a une grande différence entre le miracle de la conception de Jésus et celui d’Isaac. C’est que pour Isaac, Sarah n’a pas rencontré le Saint-Esprit. Contrairement à Joseph, Abraham est le père biologique d’Isaac. Cela signifie donc qu’à respectivement 100 ans et 90 ans, Abraham et Sarah on dû se mettre au travail après avoir reçu cette promesse de descendance. Il ne sont pas restés les bras croisés, il ont dû faire ce qu’on peut appeler un acte de foi. Non seulement croire que Dieu va accomplir sa promesse, mais soi-même entrer en action, agir en direction de cette promesse.

Nous en sommes héritiers, de cette promesse-là. Promesse de descendance spirituelle, héritée de notre père dans la foi : Abraham. Il nous faut y croire, il nous faut la foi, comme Abraham. Encore nous faut-il agir, comme Abraham. Et il peut y avoir un caractère absurde à cela. J’aime imaginer la tête des amies de Sarah quand elle leur a dit : Avec Abraham on est en train de concevoir un enfant. Il y a quelque chose d’à contre-courant dans les promesses de Dieu et leur accomplissement. Quelque chose de parfois choquant même pour nos modes de pensées et de logique. Comme les paroles du Christ que nous avons entendues, où il annonce sa mort et sa résurrection, qui mènent Pierre à le prendre à l’écart pour lui dire : « Mais tu ne peux pas dire ça en public. Ça ne se fait pas ! »

L’Evangile met en route

Oui, l’Evangile dérange, nous aussi, même ceux qui sont proches de Jésus. Il ne suit pas les logiques humaines, il se manifeste de la manière la plus lumineuse dans les ténèbres les plus épaisses. 

Nous sommes invités à chercher les pensées de Dieu avant celles des hommes, à nous aligner sur Lui et pas le contraire, même si cela peut nous mener à être à contre-courant, et à recevoir des regards réprobateurs. Nous n’avons à avoir ni peur ni honte d’annoncer cet Evangile. Car c’est pour la gloire de Dieu que nous sommes appelés, pas la nôtre.

Tout cela peut se résumer peut-être dans cette maxime de St Ignace de Loyola avec laquelle je conclurai :

Prier comme si tout dépendait de Dieu, mais aussi agir comme si tout dépendait de nous.

St Ignace de Loyola

AMEN

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Pasteur dans l'EPG, je partage ici diverses réflexions, prédications et expériences, en espérant créer la discussion afin que nous puissions nous enrichir mutuellement.

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