American Gospel : Christ Alone (Film)
L’évangile de la prospérité est certainement l’un des pires fléaux actuel de l’Eglise. Il s’exporte aux quatre coins du monde (en particulier dans les pays en voie de développement), présente une version tronquée et malsaine de l’Evangile, et ruine des familles à coup de mensonges et de manipulation. En Europe, nous nous sentons souvent moins concernés par ce phénomène que nous regardons de loin et de haut.
Le reportage « American Gospel : Christ Alone« , bien que « vieux » de deux ans déjà, est récemment (ré)apparu sur mon radar. Todd White, après avoir initialement refusé de regarder ce film et l’avoir vivement critiqué, s’est finalement repenti publiquement pour avoir prêché un évangile incomplet. Au cours des deux heures, le réalisateur fait intervenir une belle brochette de théologiens, pasteurs et apologistes. On y trouve John MacArthur, Ray Comfort, Matt Chandler, Dr Julius Kim, Dr. Bryan Chapell, et d’autres. John Piper apparaît aussi par le biais d’extraits de ses prédications. Ils discutent les fondements théologiques et anthropologiques de l’évangile de la prospérité, et en offrent une critique bienveillante bibliquement fondée. Ci-dessous, les 40 premières minutes du reportage en accès gratuit.
American Gospel : Christ Alone est une oeuvre précieuse qu’il nous faudrait regarder attentivement (disponible sur Amazon pour la Suisse). Si nous rejetons (avec raison) l’Evangile de la prospérité, nous sommes par contre susceptibles d’être exposés même en Europe à ses sous-produits. Il nous arrive parfois aussi d’en adopter certains principes. Notamment dans nos tentatives de rendre nos églises (à nouveau) attractives et de renflouer nos caisses au passage. Je m’attendais donc à voir un documentaire sur une réalité loin de la mienne. J’ai pourtant été interpellé très concrètement sur nos manières, en Suisse, de développer l’Eglise et d’annoncer l’Evangile à nos contemporains. Voici mes réflexions en lien avec ce documentaire.
Contenu
Moralisme et antinomisme
Le documentaire commence par traiter la question du moralisme. C’est ainsi que l’Eglise et le christianisme sont souvent perçus. Ce constat est valable aussi bien pour les USA que pour l’Europe. Comme tout cliché, il est fondé sur des éléments de vérité. Les prédications moralistes ont longtemps été la norme et tendent à être plus visibles que d’autres. C’est un des visages que le christianisme présente au monde. Mais plus qu’une prédication « sous-chrétienne », c’est un message « anti-chrétien » qui est ainsi proclamé. Un message qui ne peut mener qu’à deux issues possibles : fierté ou désespoir. Soit la fierté de penser que je peux observer la Loi et alors être trouvé sans défaut. Soit le désespoir de celui ou celle qui réalise qu’il ou elle est incapable de vivre selon ce standard.
J’ai repensé alors à l’un des enseignements de Tim Keller lors de la Conférence City to City Europe que j’ai suivie en 2018 à Cracovie. Il nous a présenté l’image d’une montagne avec deux versants. L’un est le versant du moralisme (Dieu est Saint et il faut respecter Sa Loi). L’autre versant est celui de l’antinomisme (ou antinomianisme) (Dieu est amour et tout est grâce). Si chaque versant contient une part de vérité, aucun n’est l’Evangile. L’Evangile se trouve au sommet. Tout l’enjeu est donc de premièrement prendre conscience du versant sur lequel je me trouve. Et deuxièmement chercher à me rapprocher de l’Evangile. Plus les versants sont proches, plus nous sommes proches de l’Evangile.
Critique de l’évangile de la prospérité et liens avec la théologie post-libérale
La majeure partie du documentaire présente les différents aspects théologiques de l’évangile de la prospérité. En regard de cela, il propose une réfutation bibliquement argumentée et ancrée. C’est là que j’ai été très surpris de constater un certain nombre de ressemblances avec la théologie progressiste[foot]La position de la théologie progressiste peut être résumée ainsi : « Le christianisme se dissout ; il perd son génie propre et sa spécificité et devient une composante parmi d’autres d’un nouveau paysage spirituel et culturel mondial. Dans ce paysage, il convient de s’adapter, en replaçant l’apparition du christianisme dans son contexte, et en reprenant ces aspects les plus aptes à éclairer pertinemment nos existences ; car, le christianisme est susceptible de proposer, à côté d’autres approches religieuses – un regard philosophiquement et culturellement stimulant pour nos existences. » (Pierre GLARDON, dans Pierre GLARDON et Eric Fuchs, Turbulences. Les Réformés en crise, Le Mont-sur-Lausanne, Ed. Ouverture, 2011, p.96). Je complèterai en disant que la théologie progressiste se caractérise également par une redéfinition des termes qui servent à parler de l’expérience religieuse et par un refus systématique de tout dogme et de toute éthique dans une perspective universaliste.[/foot], de plus en plus présente sous nos latitudes. Bien entendu, sur les plus essentielles (notamment la richesse comme signe de la faveur divine et la précédence de l’obéissance sur le don), les deux théologies sont en profond désaccord. Mais quelques éléments sous-jacents de ces théologies semblent se rejoindre.
Je me propose dans la suite de ce billet de présenter quatre aspects de l’évangile de la prospérité tels que mis en avant dans American Gospel : Christ Alone ainsi que la manière dont je retrouve cette même dimension dans la théologie progressiste. Et à chaque fois, j’accompagne mon analyse d’un extrait de la Bible qui vient questionner ces fondements. Il va de soi que d’autres critiques peuvent être portées spécifiquement à la théologie de la prospérité. Je conseille l’excellent billet d’Anne-Catherine Piguet sur le site de la FREE intitulé « Qu’est-ce que la théologie de la prospérité ?« . Idéalement, j’espère que cette analyse nous permette de prendre un peu de recul par rapport à nos théologies respectives afin de progresser ensemble vers le sommet, vers le véritable Evangile, en ayant à l’esprit ces mots de Paul :
Ce n’est pas que j’aie déjà remporté le prix ou que j’aie déjà atteint la perfection ; mais je poursuis (ma course) afin de le saisir, puisque moi aussi, j’ai été saisi par le Christ-Jésus. Frères, pour moi-même je n’estime pas encore avoir saisi (le prix) ; mais je fais une chose : oubliant ce qui est en arrière et tendant vers ce qui est en avant, je cours vers le but pour obtenir le prix de la vocation céleste de Dieu en Christ-Jésus. Nous tous donc qui sommes des hommes faits ayons cette pensée, et si sur quelque point vous avez une pensée différente, Dieu vous révèlera aussi ce qu’il en est. Seulement, au point où nous sommes parvenus, avançons ensemble.
Philippiens 3:12-16
Divinité du Christ
Evangile de la prospérité
L’évangile de la prospérité rejette la nature divine de Jésus. Dans leur théologie, Jésus de Nazareth était un homme « normal » jusqu’à ce qu’il soit rempli de l’Esprit Saint. En conséquence, aujourd’hui toute personne remplie de l’Esprit Saint doit être en mesure d’accomplir exactement les mêmes choses qui nous sont rapportées dans les évangiles. Cela signifie miracles, guérisons, création ex nihilo, résurrections, etc.
Théologie progressiste
Elle aussi nie la divinité du Christ, mais à d’autres fins. Ici, l’idée que Jésus ne serait qu’un homme sert à autoriser la remise en question profonde de ses enseignements ainsi que la réalité des miracles les plus « abracadabrantesques ».
Une réponse biblique
Je suis sorti du Père et je suis venu dans le monde ; maintenant, je quitte le monde et je vais vers le Père.
Jean 16:28
lui dont la condition était celle de Dieu, il n’a pas estimé comme une proie à arracher d’être égal avec Dieu, mais il s’est dépouillé lui-même, en prenant la condition d’esclave, en devenant semblable aux hommes ; après s’être trouvé dans la situation d’un homme, il s’est humilié lui-même en devenant obéissant jusqu’à la mort, la mort sur la croix. C’est pourquoi aussi Dieu l’a souverainement élevé et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchissedans les cieux, sur la terre et sous la terre, et que toute langue confesseque Jésus-Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père.
Philippiens 2:6-11
Le péché et la Croix
Evangile de la prospérité
La notion de péché et la théologie de la Croix sont quasiment voire totalement absents de l’évangile de la prospérité. C’est essentiellement une théologie « feel good », dans laquelle seul ce qui nous fait du bien (santé et possessions) sont acceptables. Dans un tel contexte, on ne peut accepter l’idée du péché comme élément caractéristique de la nature humaine.
Théologie progressiste
Dans le cadre d’une théologie fondamentalement antinomiste (rejet de la Loi), qui met l’accent sur « Dieu est amour » au détriment de la sainteté de Dieu, il n’y a pas de place pour la notion de péché. Celle-ci est perçue alors comme n’étant pas suffisamment aimante et trop culpabilisatrice. Pour la Croix, une théologie antinomiste couplée à une christologie basse, ne peut accepter qu’un Dieu d’amour fasse mourir Jésus (rien qu’un homme aimé de Dieu) sur la Croix.
Une réponse biblique
Quoi donc ! sommes-nous supérieurs ? Absolument pas. Car nous avons déjà prouvé que tous, Juifs et Grecs, sont sous (l’empire) du péché, selon qu’il est écrit : Il n’y a pas de juste, Pas même un seul ;
Romains 3:9-10
Car il a plu (à Dieu) de faire habiter en lui toute plénitude et de tout réconcilier avec lui-même, aussi bien ce qui est sur la terre que ce qui est dans les cieux, en faisant la paix par lui, par le sang de sa croix. Et vous, qui étiez autrefois étrangers et ennemis par vos pensées et par vos œuvres mauvaises, il vous a maintenant réconciliés par la mort dans le corps de sa chair, pour vous faire paraître devant lui saints, sans défaut et sans reproche ; si vraiment vous demeurez dans la foi, fondés et établis pour ne pas être emportés loin de l’espérance de l’Évangile que vous avez entendu, qui a été prêché à toute créature sous le ciel, et dont moi Paul je suis devenu le serviteur.
Colossiens 1:19-23
Christocentrisme vs anthropocentrisme
Evangile de la prospérité
L’évangile proposé par la théologie de la prospérité fait de l’homme le héros du récit biblique. Essentiellement, Dieu dans son amour pour nous, ne veut qu’une seule chose : que nous soyons heureux, riches, en bonne santé, etc. Dieu devient alors le serviteur de mes désirs et de mes aspirations.
Théologie progressiste
Le mouvement est similaire ici. Le but de l’évangile est perçu comme étant de nous aider à devenir de meilleures versions de nous-mêmes, à « grandir en humanité ». En conséquence, peu importe les moyens, ce qui compte c’est que j’arrive à être bien avec moi-même. Le centre et la finalité de l’Evangile sont ainsi l’humain, avec toutes ses aspirations et désirs, qui sont approuvés par Dieu de manière inconditionnelle.
Une réponse biblique
Je suis crucifié avec Christ, et ce n’est plus moi qui vis, c’est Christ, qui vit en moi ; ma vie présente dans la chair, je (la) vis dans la foi au Fils de Dieu, qui m’a aimé et qui s’est livré lui-même pour moi.
Galates 2:20
Commençant par Moïse et par tous les prophètes, il leur expliqua dans toutes les Ecritures ce qui le concernait.
Luc 24:27
Omnipotence de Dieu
Evangile de la prospérité
Non, Dieu n’est pas tout puissant. Il ne contrôle pas tout. C’est ce qu’affirme cette théologie et ses figures de proue. C’est ainsi qu’ils expliquent la souffrance et la maladie, conséquences de nos manque de foi dont s’empare Satan (qui lui est tout puissant). La question posée est : « Comment Dieu pourrait-il laisser de mauvaises choses arriver à de bonnes personnes ? » Puisque Dieu n’est pas tout puissant, c’est à nous d’exercer cette puissance dans nos vies, par le pouvoir de l’Esprit Saint.
Théologie progressiste
Non, Dieu n’est pas tout puissant pour la théologie progressiste non plus. C’est également comme cela qu’elle explique la présence de la souffrance. Car si Dieu était tout puissant, il n’autoriserait pas le mal. Elle pose la même question que l’évangile de la prospérité : « Dieu peut-il vraiment laisser de mauvaises choses arriver à de bonnes personnes ? »
Une réponse biblique
Voyez donc que c’est moi qui suis Dieu et qu’il n’y a pas d’autre dieu que moi. C’est moi qui fais vivre et mourir, qui blesse et guéris, et personne ne peut délivrer de ma main.
Deutéronome 32:39
Je vous dis encore, il est plus facile à un chameau de passer par un trou d’aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu. Les disciples entendant cela, étaient très étonnés. Ils dirent : Qui peut donc être sauvé ? Jésus les regarda et leur dit : Aux hommes cela est impossible, mais à Dieu tout est possible.
Matthieu 19:24-26
Le piège de l’attractivité
Comment expliquer alors que ces deux théologies, qui se sont développées dans des contextes différents, aient tant de points communs ? L’évangile de la prospérité, tel que le documentaire l’explique, a pour principe de s’adresser en premier lieu à des non-chrétiens, et cherche à construire des communautés où ils se sentent à l’aise. La question qu’ils se posent est donc : « Qu’est-ce qu’il cherchent à trouver et entendre dans une église ? » La réponse de l’évangile de la prospérité est : richesse et santé (a.k.a « The American Dream »).
Lorsque nos Eglises historiques européennes, s’attaquent au problème de leur perte de vitesse fulgurante, le problème est attaqué de la même manière. On se pose la question : qu’est-ce qui attirerait nos contemporains dans nos églises ? Et – plus souvent qu’on ne voudrait l’admettre – nous empruntons des stratégies similaires à celle de l’évangile de la prospérité. Nous organisons des événements pour les jeunes en leur promettant des cadeaux. Nous produisons des communications léchées et bien finies, quitte à ce qu’elle vendent un produit complètement différent de ce que nos communautés ont réellement à offrir. L’Evangile est dilué, et la repentance et la croix ne sont pas prêchés. Nous vendons à la place un évangile « feel good » aux dépends de la vérité. Nous prêchons un Dieu qui est prêt à valider tous nos désirs, sans remise en question. Tout cela dans l’espoir de voir notre courbe de (dé)croissance reprendre du poil de la bête. « Rappel: Dieu nous appelle à être fidèles, pas à avoir du succès.«
Car le temps viendra où les gens ne voudront plus écouter le véritable enseignement. Mais ils suivront leurs mauvais penchants, et ils s’entoureront d’une foule de maîtres qui leur diront ce qu’ils aiment entendre. Ils fermeront leurs oreilles à la vérité, pour se tourner vers des légendes.
2 Timothée 4:3-4
En conclusion
American Gospel : Christ Alone est un documentaire à voir et revoir. Je tiens, à la fin de ce billet, à préciser ceci. Aussi bien les réalisateurs du documentaire, que les intervenants, et moi-même affirmons que Dieu continue d’agir aujourd’hui par l’action de son Saint-Esprit. Je partage leur mise en garde contre une vision anthropomorphique de Dieu et de Sa Parole, qui présente le risque de placer l’homme à la place de Dieu. J’ai l’ardent désir de voir nos institutions ecclésiales, riches d’un bel héritage théologique et spirituel, revivre. Mais je m’inquiète de voir – trop souvent – que nous imitons ce qui semble « marcher » ailleurs sans prendre le temps du discernement spirituel. American Gospel : Christ Alone a le mérite de nous inviter à veiller à mettre toujours le Christ au centre de nos églises, communautés et prédications. Solus Christus !
Complément – Une deuxième volet est sorti : « American Gospel : Christ Crucified », abordant la thématique de…la théologie progressiste. Un extrait de 17 minutes est disponible ici : https://www.youtube.com/watch?v=s9QVz-iFZp8&feature=emb_imp_woyt
Peut-être (et je dis bien peut-être) que je prendrai le temps un jour d’en faire également un article. En attendant, mes intuitions partagées ici sont confirmées dans ce deuxième opus.
7 Comments
Plume
Bonjour Philippe.
Un grand merci pour cette analyse pointue. Je ne savais pas comment nommer ce sentiment diffus de fausse route que j’ai quand j’entends ici ou là parler, affirmer que si Dieu est présent richesses et santé, bénédictions de toutes sortes, très matérielles se doivent d’être présentes. Que de souffrances dans certaines assemblées évangéliques charismatiques. D’un autre côté je me situe sur l’autre version de la montagne celle de la théologie autonomiste (j’en ignorais l’existence) d’où ma difficulté à me sentir coupable de pécher. Cette fois j’ai mieux compris, non seulement où je me trouve, et comment faire pour rectifier le tir.
Plume
Philippe Golaz
Merci Plume de votre réponse. Heureux de savoir que ces quelques paragraphes peuvent vous être utiles. Je me trouve personnellement plutôt sur l’autre versant, d’où les échanges parfois dissymétriques que nous pouvons avoir ici. Mais je suis heureux que nous puissions les vivre néanmoins !
Que Dieu vous bénisse dans votre cheminement et nous donne de toujours nous rapprocher !
Elio Jaillet
Salut Philippe !
Merci pour cette comparaison stimulante et interpellante (paulinienne quoi!).
Un doute juste sur la catégorie « post-liberale », que tu définis à partir de Glardon et Fuchs : pour moi je rattache ce nom plutôt à George Lindbeck et Hans Frei (école de Yale) ; et tel que je la connais leur théologie ne défend pas les positions que tu mets ici sous le titre de « post-liberal » (qui glisse à neo-liberal d’ailleurs à un moment). J’ai l’impression que ce que tu décris correspond plus à quelques chose comme une posture post-moderne pluraliste d’inspiration libérale (les libéraux d’aujourd’hui n’aiment pas beaucoup le postliberalisme de Yale. Trop barthien à leur goût !). Ça n’enlève rien à ton propos, mais j’étais un peu confus en termes de points de repères dans le paysage théologique contemporain.
Take care!
golazphil
Salut Elio !
C’est vrai que le post-libéralisme théologique est plutôt mal défini. Dans ma tentative de définition, j’en ai trouvé de variées et très géographiquement contextualisées. Ici, je reprend une définition de théologiens romands pour parler d’une réalité romande. Le deuxième volet d’American Gospel, qui se nomme « AG : Christ Crucified » (j’espère pouvoir bientôt trouver le temps de rédiger un billet sur ce film-là), traite de ce qu’ils appellent le « christianisme progressiste », autour de figures comme celle de Nadia Bolz-Weber pour évoquer un nom connu et lu sous nos latitudes. Devrais-t-on dire « théologie post-moderne » puisqu’elle est fortement influencée par ce courant-là de post-vérité ? Je trouve néanmoins des similitudes entre l’école de Yale (au passage, peut-on encore inclure cela dans le « paysage théologique contemporain » quand ce mouvement date d’il y a un demi-siècle en arrière ?) et cette théologie post-moderne/progressiste notamment autour du refus de l’apologétique et d’une tendance universaliste (les deux étant liés). Au passage, je prend note du glissement vers « néo-libérale » qui est une erreur de ma part, que je corrige immédiatement.
Philippe Golaz
Je complète avec une autre définition de « Progressive Christianity » qui n’aide pas forcément à se décider si l’appellation de « théologie post-libérale » est à garder ou abandonner. Il faut dire que dans le monde francophone, on parle de théologie post-libérale, et peu de christianisme progressif. Il en va des usages locaux et non-locaux, populaires et académiques. Bref, tout une discussion à avoir. Mais voilà la citation et sa source : « Progressive Christianity is a post-liberal approach to the Christian faith that is influenced by postmodernism and: proclaims Jesus of Nazareth as Christ; emphasizes the Way and teachings of Jesus, not merely His person; emphasizes God’s immanence not merely God’s transcendence; leans toward panentheism rather than supernatural theism; emphasizes salvation here and now instead of primarily in heaven later; emphasizes being saved for robust, abundant/eternal life over being saved from hell; emphasizes the social/communal aspects of salvation instead of merely the personal; stresses social justice, environmental protection, and non-violence as integral to Christian discipleship; takes the Bible seriously but not necessarily literally, embracing a more interpretive, metaphorical understanding; emphasizes orthopraxy instead of orthodoxy (right actions over right beliefs); embraces reason as well as paradox and mystery — instead of blind allegiance to rigid doctrines and dogmas; does not consider homosexuality to be sinful; and does not claim that Christianity is the only valid or viable way to connect to God (is non-exclusive). » – Rev. Roger Wolsey tiré de https://www.huffpost.com/entry/progressive-christianity-isnt-progressive-politics_b_1897381
Elio Jaillet
Merci de ta réponse Philippe !
Je crois que tu as raison… le post-libéralisme de Yale c’est plus tout à fait contemporain ! Ce qu’il a peut-être encore de commun avec le « post-libéralisme » que tu décris, c’est une forme de « suspension » de la vérité face à la pragmatique des « jeux de langages ». C’est une forme de pluralisme des vérités où les choses n’ont de valeur de vérité qu’en fonction des contextes langagiers dans lesquels ils sont énoncés. Ce qui est souvent impensé dans ce contexte, c’est précisément le recentrage anthropologique qui l’accompagne. Si on peut se permettre cette suspension de la valeur de vérité du langage, c’est parce que ce qui compte avant tout c’est la vie concrète de l’être-humain et sa qualité – mais c’est plutôt technique et pas forcément directement pertinent par rapport à ce que tu présentes du film (quoique?).
Je pense que la définition que tu proposes à partir de Wolsey est pertinente. « Christianisme progressif » me parlerait beaucoup dans ce que tu décris du versant post-libéral – qui me semble d’ailleurs se recouper dans les grandes lignes avec la proposition de Carolina Costa, qui elle même se présente comme progressiste. Après ce que dit Wolsey montre déjà comment tous les fronts se mélangent : post-libéral, influencé par le postmodernisme, mais fondamentalement « progressiste ».
Après : c’est une discussion parallèle. C’est pas le centre de ce que tu encourage dans ton article : un christocentrisme clair et une attitude dialectique dans la tension en direction de ce centre.
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