Le crise d’identité de Moïse
Texte biblique : Exode 3:1-15
Contenu
Deux questions fondamentales
Les deux premières phrases de l’Institution de la religion chrétienne de Calvin disent ceci : « Presque toute la sagesse que nous possédons, qui est, en définitive, réelle et véritable, présente un double aspect : la connaissance de Dieu et de nous-mêmes. Bien que ces deux connaissances soient liées, il est difficile de discerner laquelle précède l’autre.[foot]CALVIN, Jean, « Institution de la religion chrétienne », I, I, 1, Aix-en-Provence, Kerygma ; Charols, Excelsis, 2009, p. [/foot] »
Les questions « Qui suis-je ? » et « Qui est Dieu ? » sont deux questions absolument fondamentales, qui en même temps sont très complexes.
A la question : qui suis-je ? La réponse que je donnerai moi, et celle que chacun de vous donnerai seraient très différente. De même, à la question « Qui est Dieu ? », j’aurais autant de réponses qu’il y a de personnes dans cette salle, si ce n’est plus.
Cette double expérience, de la connaissance de Dieu et de la connaissance de soi-même, c’est ce que Moïse expérimente au buisson ardent quand il pose les questions « Qui suis-je » et « Qui es-tu, Seigneur ? ».
L’importance du nom
Nous n’allons pas tout de suite passer aux réponses à ces questions, mais faire un petit détour, un petit flash back dans la vie de Moïse pour comprendre d’où il vient.
Moïse est né en Egypte, d’un père et d’une mère israélites, mais il a été élevé par la fille du pharaon. Peut-être que vous le savez, les noms dans la Bible sont très importants. Souvent, quand un personnage est introduit, on donne son nom, celui de ses parents et celui de sa descendance. Mais au tout début de l’histoire de Moïse, aucun des personnages n’a de nom. Ni les parents de Moïse, ni sa soeur, ni la fille du pharaon, ni le pharaon lui-même. Pharaon est un titre, pas un nom. Les sages femmes qui sauvent les jeunes garçons israélites n’ont pas de noms non plus.
Seul Moïse reçoit un nom. Et c’est un nom étrange. Moshe en hébreux fait penser au verbe Masha qui signifie « tiré de… », car il a été tiré des eaux. Mais il fait aussi penser au mot égyptien mosis qui signifie « fils de… ». Dans les deux cas, son nom est incomplet. De quoi est-il tiré de ? De qui est-il le fils ? Son nom est-il hébreu ou égyptien ? Lui, est-il hébreu ou égyptien ?
Si dans un mot fléché, on vous demande « Crise d’identité en 5 lettres », essayez « Moïse ».
Comment Moïse en est-il arrivé là ?
On a donc cet homme, qui n’est pas vraiment à sa place, qui dans un premier temps vit sa vie de prince d’Egypte. Un jour, voyant la manière dont le peuple Hébreu était mal traité, il prit la défense de l’un d’eux et tua un Egyptien. Est-ce que Moïse savait qu’il était issus de ce peuple-là, ou a-t-il simplement agi par compassion ? On ne sait pas, peut-être parce que Moïse lui-même ne savait pas trop. Quoi qu’il en soit, voilà que Moïse cherche à venir en aide à ce peuple qui souffre. Il s’y prend par la force, et voilà qu’il est rejeté et chassé de tous côtés. Les Hébreux ne veulent pas avoir affaire à lui, et le pharaon cherche à le tuer. Alors il s’enfuit, va se cacher dans le désert où il épouse une madianite. Encore un autre peuple qui fait irruption dans la vie de Moïse.
Il passe alors de prince d’Egypte à gardien de troupeau.
C’est là, c’est au gardien de troupeau humilié et un peu perdu que Dieu se révèle.
Voyons comment cette révélation se passe.
Un Dieu qui se montre
Dieu se révèle dans un buisson qui est en feu, mais qui ne brûle pas. Au premier regard, peut-être que Moïse se sera dit, tient, voilà un buisson qui a pris feu, rien de très étonnant à cela si l’on pense qu’il se trouve dans le désert et qu’on y trouve effectivement des plantes qui peuvent prendre feu par elle-même. Il lui aura fallu prêter attention pour se rendre compte qu’il y avait quelque chose d’étrange avec ce buisson, il lui aura fallu observer de loin, avant de décider de faire un détour.
Mercredi dernier, à Meyrin, j’ai vu un jeune homme entrer dans l’Eglise. Quand je lui ai demandé si je pouvais l’aider, il m’a simplement dit qu’il avait vu notre Centre paroissial, l’avait trouvé étrange, et avait fait un détour pour voir ce que c’était. La plupart des gens passent devant sans s’arrêter, sans y prêter trop attention.
Un premier élément de réponse à « qui est Dieu ? » : Dieu est là, il se révèle discrètement autour de nous. Comme Moïse, il nous faut faire preuve de curiosité, oser faire de temps en temps un détour et s’approcher.
Un Dieu qui nous appelle
C’est alors qu’il s’approche que Moïse entend la voix de Dieu qui l’appelle : Moïse ! Moïse !Deuxième élément de réponse à cette question. Dieu est celui qui nous appelle.
Un Dieu toujours différent et toujours le même
Un troisième élément de réponse vient très vite. Dieu dit : « C’est moi le Dieu de ton père, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob. »
Un rabbin commente ce texte en disant : Pourquoi répéter trois fois le mot « Dieu » ? Parce que Dieu s’est révélé différemment au père de Moïse, à Abraham, à Isaac et Jacob. Chaque génération approfondit sa connaissance de Dieu, et Dieu se révèle différemment à chaque personne.
Je disais au tout début qu’à cette question « Qui est Dieu ? » nous aurions tous une réponse différente. C’est que Dieu se révèle différemment à chacune et à chacun de nous.
Un Dieu acteur de notre histoire
Puis, le Seigneur continue à parler à Moïse. Il lui dit « J’ai bien vu la misère de mon peuple et j’ai entendu son cri. Je connais ses douleurs. Je suis descendu pour le délivrer». Voilà un Dieu qui est bien plus qu’une simple idée philosophique, voilà un Dieu qui pose son regard sur nous, qui écoute quand nous crions à lui, qui partage nos souffrances. Un Dieu qui est acteur de nos histoires, qui n’hésite pas à descendre et à nous délivrer de nos esclavages.
En lisant ce passage-là, je n’ai pas pu m’empêcher de faire un parallèle avec le Christ. Ici, Dieu descend dans le buisson ardent, il partage les souffrances de son peuple, et on peut déjà y percevoir ce qui va se passer avec Jésus. Avec le Christ, ce même mouvement a lieu, nos souffrances sont aussi partagées, mais de manière encore plus radicale qu’ici. Ce que Moïse entend et expérimente, ce ne sont que les prémices de Noël et de Pâques.
Et moi, qui suis-je ?
Après avoir entendu tout cela, et après que Dieu lui ait donné la mission de délivrer Israël, Moïse demande : « Qui suis-je ? » Qui suis-je pour faire cela, qui suis-je pour te servir, pour agir en ton nom ? Lui qui était prêt à tuer des égyptien et à s’immiscer dans les affaires des Hébreux, voilà qu’il est en plein doutes, et qu’il hésite.
Combien de fois nous disons-nous aussi « Qui suis-je ? », Qui suis-je pour prendre la parole au nom de Dieu, qui suis-je pour être appelé par lui ? Qui suis-je ?
A nous et à Moïse Dieu répond de la même manière, et d’une manière bien étrange : « Je suis avec toi »
Et ce « Je suis », c’est le même mot en hébreu que Dieu utilisera juste après quand Moïse lui demande son nom : « Je suis qui je suis ». Je suis avec toi. Dieu est avec toi. Et c’est ça qui vient fonder, ancrer notre identité, c’est en Dieu qu’il nous est possible de découvrir qui nous sommes, qui nous sommes appelés à être.
Dans la suite du livre de l’Exode, Moïse découvrira qui Il est, qui il est appelé à être, en même temps qu’il apprend à connaître Dieu.
Nous sommes ici face à quelque chose de très étrange au regard de la culture occidentale du 21e siècle. On nous dit aujourd’hui : Pour savoir qui tu es, regarde en toi, et trouve en toi seul la réponse.
Ici Dieu nous dit : Pour savoir qui tu es, regarde au-dehors de toi, regarde Dieu. C’est en connaissant Dieu que tu te connaîtras, et c’est en te connaissant que tu connaîtra Dieu. Car nous sommes à la fois créés à l’image de Dieu, et appelés par Dieu à être plus que ce que nous sommes aujourd’hui.
Prédication prononcée le 27 janvier 2019 à Châtelaine.
Illustration : La découverte de Moïse, par Gabriel Allegrain
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