Société

Jeûne Fédéral et tarte aux pruneaux

Vous savez, vous, à quoi correspond le Jeûne Fédéral ? Déjà en 1962, il était bien difficile pour les suisses romands de l’expliquer, comme en témoigne ce magnifique reportage d’époque : cliquer pour voir le reportage. On a vaguement conscience qu’il y a quelque chose de religieux là-derrière. On sait que les vaudois ont congés le lundi, que les Genevois ne font pas comme les autres, et que tous, nous mangeons de la tarte aux pruneaux. Et si nous allions plus loin ?

Attention à l'accent circonflexe pour éviter les malentendus !
Attention à l’accent circonflexe pour éviter les malentendus !

Le jeûne dans la Bible

Une longue tradition

La pratique du jeûne est bien attestée dans nos bibles. Déjà Moïse, lorsqu’il reçut les 10 commandements, a jeûné durant 40 jours. « Moïse resta là avec l’Eternel 40 jours et 40 nuits. Il ne mangea pas de pain et ne but pas d’eau. Et l’Eternel écrivit sur les tables les paroles de l’alliance, les dix paroles » (Ex 34:28). Lorsque le peuple d’Israël est menacé par un ennemi, il jeûne et prie. « Tous les Israélites et tout le peuple montèrent jusqu’à Béthel. Ils pleurèrent et restèrent là devant l’Eternel. Ils jeûnèrent ce jour-là jusqu’au soir et ils offrirent des holocaustes et des sacrifices de communion devant l’Eternel » (Juges 20:26). Jésus jeûne également au tout début de son ministère, durant 40 jours dans le désert (Mt 4:2). Les Actes des Apôtres mentionnent Paul qui jeûne à plusieurs reprises. Tout d’abord sur le chemin de Damas, après qu’il ait été rendu aveugle (Ac 9:9), puis à Antioche où il jeûne avec d’autres membres de la communauté (Ac 13:2-3) où ils reçoivent un message de l’Esprit à propos de la mission de Paul.

Quelques enseignements

Le Nouveau Testament contient quelques enseignements à propos du jeûne. En Matthieu 6:16-18 nous lisons ceci:

Lorsque vous jeûnez, ne prenez pas un air triste comme les hypocrites. En effet, ils présentent un visage tout défait pour montrer aux hommes qu’ils jeûnent. Je vous le dis en vérité, ils ont leur récompense. Mais toi, quand tu jeûnes, parfume ta tête et lave ton visage afin de ne pas montrer que tu jeûnes aux hommes, mais à ton Père qui est là dans le lieu secret; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra.

Matthieu 6:16-18

Ainsi, si nous jeûnons, ce n’est pas pour nous complaire dans une souffrance auto-infligée, cherchant l’admiration ou la compassion des hommes pour une piété publiquement affichée. Dans le jeûne, c’est la qualité de la relation à Dieu qui est en jeux. Si quelqu’un se prive de nourriture terrestre, c’est pour se consacrer à la nourriture spirituelle. C’est-à-dire que le temps « gagné » à ne pas manger, doit être investi spirituellement, par des temps de prière, d’adoration et de méditation de la Parole. On prend ce temps-là pour aller à la rencontre du Père.

Un autre cas où Jésus donne un enseignement à propos du jeûne intervient en réponse à l’incrédulité des disciples qui n’ont pas réussi à chasser un esprit impur alors que Jésus était absent (Marc 9), ce à quoi il répond : «Cette espèce-là ne peut sortir que par la prière et par le jeûne.»

Paul enfin, donne cet enseignement à propos du jeûne au sein du couple en 1 Co 7:5.

Ne vous privez pas l’un de l’autre, si ce n’est d’un commun accord pour un temps, afin de vous consacrer au jeûne et à la prière; puis retournez ensemble, de peur que Satan ne vous tente à cause de votre manque de maîtrise.

1 Co 7:5
Le jeûne, un temps à part pour Dieu.
Le jeûne, un temps à part pour Dieu.

Dans chaque cas, le jeûne est employé dans des cas particuliers, presque extrêmes, qui demandent à ce que l’on consacre un temps particulier pour Dieu. On se déconnecte de toute perturbation et de toute préoccupation extérieure pour un temps donné, dans un but précis. Le jeûne n’est pas un acte magique à utiliser à tout va pour obtenir plus facilement et plus rapidement l’exaucement de nos prières. Il s’agit d’une privation momentanée, destinée à être compensée dans la qualité de notre relation à Dieu.

Le jeûne fédéral

Et en Suisse alors ? D’après le Dictionnaire Historique de la Suisse, c’est en 1517 que l’on trouve la première mention d’une « grande prière des Confédérés ». Alors que pestes et famines mettent l’Europe à mal, des journées de prières et de jeûne sont alors plus ou moins régulièrement organisées selon les régions. En 1619 un jeûne commun est observé par les cantons protestants pour célébrer l’issue du synode de Dordrecht. Au fil des décennies, les pratiques évoluent, et par endroit des dates fixes sont définies. Même les cantons catholique vont finir par s’y mettre, et c’est le 8 septembre 1796, sur décision de la Diète fédérale, que catholiques et protestants célèbrent pour la première fois une journée de jeûne commun. Quelques spécificités locales persistent jusqu’en 1848 où les Grisons, derniers irréductibles, cèdent à la majorité. Ha non, il reste les Genevois qui continuent à célébrer le jeûne le jeudi qui suit le premier dimanche de septembre, au lieu du troisième dimanche de septembre.

A l’origine donc, une occasion pour l’ensemble de la population suisse de rendre grâce à Dieu pour les bénédictions reçues par la patrie, et prier en même temps pour les enjeux et défis qui nous guettent. Protestants et catholiques ensemble.

Et c’est quoi cette genferei ? me demandez-vous. Si Genève maintient une date quelque peu différente, c’est par fidélité au jeûne observé par les Genevois le 3 septembre 1567, par solidarité avec les huguenots français qui venaient de subir une forte répression à Lyon, ainsi que la tristement célèbre Saint-Barthélémy du 24 août de cette même année.

Et la tarte aux pruneaux ?

Bonne question ! A priori, il est difficile de savoir quand, pourquoi et comment nous en sommes venus à manger la tarte aux pruneaux à cette occasion. De mémoire d’hommes, ça a toujours été comme ça. Pour certains, c’est parce que comme les gens passaient toute la journée à l’Eglise. Ils n’avaient ni le temps ni l’envie de cuisiner un vrai repas en fin de journée, et se contentaient d’une tarte aux pruneaux préparée la veille. Et si on y met des pruneaux, c’est parce que c’est la saison ! Pour d’autres, on donnait à l’époque l’argent destiné au repas du jour pour les pauvres. Il ne restait donc que de quoi faire une tarte avec les fruits qui restaient. Et vu que c’est la saison des pruneaux…!

Bref, parler de tarte aux pruneaux, ça m’a donné faim. Donc je vous laisse ici, et m’en vais me tailler une délicieuse part !

Et si vous aussi vous avez l’eau à la bouche, voici une recette !

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Pasteur dans l'EPG, je partage ici diverses réflexions, prédications et expériences, en espérant créer la discussion afin que nous puissions nous enrichir mutuellement.

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