Ces fausses images de Dieu
Homélie prononcée le dimanche 12 septembre 2021 au Carmel de la Paix de Mazille, sur l’Evangile du jour : Marc 8:27-35. Nous y étions avec 9 jeunes se préparant au baptême ou à la confirmation.
Qui dites-vous que je suis ?
« Qui dites-vous que je suis ? » C’est avec cette question que nous avons cheminé ces derniers jours avec les jeunes que nous accompagnons et qui se préparent à la confirmation pour les uns, et à recevoir le baptême pour les autres.
Nous avons ce matin la chance d’entendre cet événement de la confession de Césarée dans son ensemble, et pas coupée en deux comme c’est parfois le cas. Ma propre Bible par exemple ajoute un titre au milieu, comme s’il s’agissait de deux événements distincts.
A l’écoute de cet échange entre Jésus, Pierre et les disciples assemblés autour d’eux, je ne peux m’empêcher d’avoir de la sympathie pour Pierre, en qui je me reconnais.
Des hauts et des bas
Ne nous arrive-t-il pas à tous de connaître des hauts et des bas dans nos chemins de foi ?
Nous connaissons des périodes d’intime communion avec Dieu, où il nous est facile de confesser avec Pierre que Jésus est le Messie. Qu’il est le Fils du Dieu vivant. Qu’il est ce Dieu vivant.
Pour nous qui sommes accueillis au Carmel, ces quelques jours portés par la vie de prière de votre communauté sont un de ces « hauts » spirituels.
Mais nous traversons aussi des périodes de trouble. Des périodes où il nous est difficile d’entendre et de comprendre ce que Dieu a à nous dire. Des périodes où la relation entre Dieu et nous est perturbée. Nous sommes alors dans un sorte de brouillard, un petit peu comme nous avons pu l’expérimenter tôt ce matin, quand la brume avait envahi le Carmel et ses alentours.
Il en va de même pour Pierre, qui passe très brusquement d’un état à l’autre. Si nous imaginons l’ambiance qui a dû régner parmi les disciples, témoins de la scène, nous pouvons être frappés de la vitesse à laquelle les choses ont basculé. Le contraste est d’autant plus saisissant lorsque nous nous rappelons ce que Jésus répond à la confession de Pierre dans l’évangile selon Matthieu :
Tu es heureux, Simon[foot]Simon et Pierre sont une seule et même personne. On lit parfois même « Simon-Pierre »[/foot], fils de Jonas, car ce n’est pas une pensée humaine qui t’a révélé cela, mais c’est mon Père céleste
Matthieu 16:17
Cela avant de lui dire ces paroles qui sont très dure à entendre :
Arrière, Satan, car tes pensées ne sont pas les pensées de Dieu, mais celles des hommes.
Marc 8:33
Pensée humaine vs pensée divine
C’est là que se cache la clé de compréhension de ce si brutal changement d’ambiance et de ton dans la discussion. Si, par l’oeuvre de Dieu. Pierre a bien pu reconnaître en Jésus le Messie, il avait quand même encore besoin de se débarrasser d’une fausse image qu’il avait de ce Messie-là.
A la suite de Pierre, nous aussi, nous sommes appelés à nous débarrasser de nos fausses images de Dieu, du Christ, ou de nous-mêmes.
Pierre s’imaginait un Messie venu apporter une victoire militaire et politique contre ce qu’il percevait comme le plus grand ennemi : l’occupant Romain. Alors quand il est confronté aux paroles de Jésus qui annonce sa passion, sa mort et sa résurrection, il ne peut s’empêcher de le reprendre. L’image qu’il a dans son esprit, et l’image que Jésus renvoie de lui-même ne sont pas compatibles. Sa réaction vient alors révéler cette fausse image qu’il adorait à la place du Christ.
La Croix comme scandale
Cette croix qu’annonce le Christ, c’est une folie et un scandale pour Pierre. C’est un échec. Du moins d’un point de vue humain. D’un point de vue qui manque cruellement d’ambition et qui n’arrive pas à voir plus loin que le bout de son nez. Car de cet « échec », de cette mort sur la Croix, Dieu s’apprête à faire surgir la vie. Et pas n’importe quelle vie, mais la Vie éternelle. Il ne se contente pas d’offrir un sursis temporaire à l’occupation romaine, en attendant qu’un autre envahisseur vienne. Il offre à l’humanité entière une délivrance définitive du péché et de la mort même.
Lorsque la Parole du Christ, la Parole de Dieu, suscite en nous de vives réactions, comme ce fut le cas chez Pierre. Lorsque nous avons envie de prendre Dieu à part, entre quatre yeux, et de lui dire : « Mais tu ne peux quand même pas dire ça ! Pas en 2021 ! C’est scandaleux ! Honteux ! » C’est alors que se révèlent à nous nos fausses images du Christ, de Dieu, et/ou de nous-mêmes. Ces fausses images que nous adorons à la place de Dieu. Ces idoles.
Nous débarrasser de nos fausses images
Et l’idole la plus répandue, c’est nous-même. Notre « moi ». Ce que Jésus vient dire ensuite à la foule a donc le même potentiel de scandaliser que ce qu’il a dit aux disciples un peu plus tôt :
Si quelqu’un veut être mon disciples, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge de sa croix et qu’il me suive
Marc 8:34
Sommes nous prêts à suivre et servir le Christ, ou attendons-nous du Christ qu’il nous suive et nous serve, nous ? Qui est le maître et qui est le disciple ? Qui est Dieu et qui est le serviteur ?
Lorsque nous débusquons – car il faut bien les débusquer – une de ces fausses images du Christ, apprenons à nous tourner vers notre Père céleste, à lui demander de nous débarrasser de ces fausses images et, à la place, de nous faire cette grâce de pouvoir contempler le véritable visage du Christ.
Amen