Ces communautés qui m’inspirent : Mazille
Ce billet fait partie d’une mini-série autour des communautés qui m’inspirent, me questionnent et m’encouragent dans mon ministère. Voir les deux premiers billets sur Hopera et sur Corsier-Corseaux.
De quoi je parle
Nous ne sommes jamais que le produit des communautés que nous avons fréquentées et qui nous ont façonnées. Dans mon ministère, je ne peux pas nier la manière dont j’ai été façonné par différentes communautés, à commencer par ma communauté d’origine. Depuis là, différentes communautés sont venues questionner et enrichir mes acquis de départ pour façonner la vision que je porte et que je souhaite vivre dans la communauté dont j’ai aujourd’hui la responsabilité. Je réalise aussi le danger de me laisser happer par les habitudes du lieu et entrer dans une habitude de choses à faire, et d’en oublier ma vision. Dans cette mini-série de billets, je souhaite mettre en avant ce que ces différentes expériences m’ont apporté, en quoi elles sont venues questionner ce que je prenais pour acquis dans mon ecclésiologie de départ, et comment j’aimerais pouvoir vivre cela dans mon ministère actuel. J’ai été encouragé dans cette démarche notamment par l’ami théologeek et sa cartographie des formes de spiritualités chrétiennes.
Une communauté différente
Pour ce dernier billet, ce n’est pas une paroisse que je vous invite à découvrir mais une communauté monastique. Plus précisément le Carmel de la Paix, à Mazille (France). Perché sur une petite colline, une construction moderne en béton et tout en cubes abrite une vingtaine de moniales carmélites. Elles tirent leur nom directement du Mont Carmel, lieu où l’ordre a été fondé à la fin du 12è siècle. Elles ont la particularité de vivre en silence, et d’observer de longs moments d’oraison durant la journée. A Mazille, elles accueillent des visiteurs dans quelques maisons construites aux abords du Carmel. J’ai eu l’occasion de m’y rendre à de nombreuses reprises, que ce soit en camp de catéchisme, en retraite du groupe de jeunes, avec l’aumônerie de l’université ou pour des retraites en solitaire.
Un lieu de vocation
Je ne parle pas ici de la vocation des soeurs, mais plutôt de la mienne. Car c’est justement lors d’une retraite en solitaire qu’il m’a été donné de recevoir une confirmation de celle-ci, alors que je traversais un temps de doute et de remise en question. Là bas, au coeur du silence, alors que je confiais au Seigneur mes doutes, voilà que 3 personnes, sans liens entre elles et sans m’avoir parlé au préalable, sont venues me parler justement de ma vocation pastorale, affirmant avoir vu en moi cet appel bien que nous ne nous soyons pas adressés la parole au préalable.
La puissance d’une communauté priante
Je l’ai expérimenté pour moi-même, j’ai aussi été témoin de ce qu’une communauté priante peut accomplir pour celui ou celle qui est en contact avec elle. Nous avons vu de nombreux catéchumènes être radicalement transformés dans ce lieu, sans que nous ayons à faire d’effort. Au coeur de l’oraison des soeurs, au coeur du silence priant, l’Esprit Saint est là. Et c’est comme si un grand feu était allumé. Celui ou celle qui y entre est alors doucement mais sûrement travaillé, façonné. Les mauvaises herbes qui empoisonnaient son coeur et son existence sont consumés.
Et nous, alors ?
Il ne nous est pas toujours facile de prier pour nous-mêmes. Cela peut être alors libérateur de pouvoir se laisser (em)porter par la prière des autres. Je me pose alors plusieurs questions. Est-ce que nos communautés sont des communautés priantes ? Dans quoi le visiteur met-il les pieds ? Entre-t-il dans la présence de l’Esprit Saint, ou dans un buisson de ronces ?
Quel est votre avis ?
Est-ce que vous avez fait des expériences similaires ? Est-ce que cela fait sens pour vous ? Ou non ?
7 Comments
meditheo
Merci beaucoup de votre partage. Lors de ma formation diaconale, j’ai eu l’occasion de fréquenter la communauté de Grandchamp et La Pelouse. Deux expériences autour du silence imposé d’abord puis choisi pendant le temps du séjour. L’élément le plus perturbant a été d’être à table ensemble, mais sans oser dialoguer, alors que ce sont des moments conviviaux et « bruyants ».
Dans nos temples, le silence y a-t-il sa place ? Lors des cultes, laissons lui le temps de nous parler vraiment ? Personnellement, j’en doute. À redécouvrir sans cesse. Bien à vous.
Philippe Golaz
Je dois dire que j’apprécie beaucoup les temps de repas à Mazille. Nous y sommes assis en tablées de 6 ou 8. Dans le silence, il nous faut alors porter une attention toute particulière à celles et ceux qui nous entourent. Ils ne sont pas en mesure de demander de l’eau ou un supplément de pâtes. Chacun prend soin des autres et c’est alors une véritable et profonde expérience communautaire qui se vit lors du repas. Par contre, à La Pelouse, je me suis retrouvé assis seul à une table, avec en face de moi la nuque d’un autre convive, tout aussi seul que moi à sa table, et une paroi brune pour seul horizon. Autant dire que je n’ai pas trouvé ces temps de repas très appréciables.
meditheo
Un partage :
https://meditheoblog.wordpress.com/a-lecoute-du-silence/
Philippe Golaz
Pas possible de commenter sur ton blog directement, dommage. Je le fais ici. Je suis personnellement prudent vis-à-vis de la méditation pleine conscience et de son intégration dans une spiritualité chrétienne. Certes, les pères du désert et les traditions monastiques ont mis la méditation et le silence au coeur de leur vie spirituelle. Cependant, alors que le mindfulness invite à se centrer sur soi-même (schéma typique des spiritualités New Age qui mènent à une déification de l’homme), les père du désert invitent plutôt à s’ouvrir à Dieu en Lui faisant de la place. C’est alors une expérience de décentrement et de rencontre du Tout Autre. Avec la méditation pleine conscience ne devenons-nous pas des « homo incurvatus in se » ?
meditheo
Merci Philippe de tes commentaires. Heureux de passer au tutoiement. L’impossibilité de commenter est due au fait que j’ai créé une page au lieu d’un billet. Pas pertinent et c’est instructif pour la suite… beau week-end.
Plume
Puisque vous posez la question, souvent en ce qui me concerne, un buisson de ronces !
Je dois dire à la décharge des paroisses qu’elles sont priantes parfois sans le savoir. A chaque fois qu’elles posent un actes de création ou de charité, j’y vois la mise en œuvre de la prière. Les moniales ont mis la prière au cœur de leur vie quotidienne, prière liturgique et oraisons personnelles, en proximité du Seigneur. Nous ne savons pas prier ainsi nous les protestants… nous sommes dans les actes et un peu dans la prière… ce n’est pas dans la prière que nous puisons la forces des réaliser des projets communautaires, mais dans la nécessité, quel dommage. Depuis plus de 40 ans, depuis l’examen de ma vocation personnelle, la prière habite mon quotidien et si je n’ai pas, faute de temps, (parfois de priorité, il ne faut pas se le cacher) de faire 9 haltes quotidiennes, j’en ai quand même trois temps fort, le matin, à midi et le soir.
Je viens de voir un reportage sur une communauté, tout récemment, qui m’interroge, me montre la voie à suivre…. https://youtu.be/HQQZA0I1cuU
Philippe Golaz
Je trouve que vos mots sonnent juste. Quelle défi que de puiser dans la prière plutôt que dans la nécessité ! C’est attristant de lire que pour vous la communauté paroissiale est plutôt « buisson de ronces », mais encourageant de lire que vous avez su trouver, dans la prière personnelle, un lieu de ressourcement et de communion avec le Seigneur. Je ne saurais que vous encourager dans cette voie-là, et vous souhaiter de soit trouver une communauté priante, soit trouver les forces pour amener cette dynamique qui vous habite déjà dans un lieu qui en aurait besoin.