Les Rameaux ou Jésus-Christ Superstar
Texte : Marc 11:1-11
Jésus-Christ Superstar
Cette entrée de Jésus à Jérusalem a quelque chose d’étrange vous ne trouvez pas ? Jusqu’ici, Jésus a tout fait pour passer presque inaperçu. Invitant les uns et les autres à ne pas parler de lui. Et tout d’un coup, on le trouve en train d’être acclamé par les foules, dans une démonstration d’excitation populaire digne d’une star. On imagine volontiers ce genre de scène si Roger Federer, Lionel Messi, Lady Gaga, ou Henry Cavill débarquait en ville de Genève. On voit cette foule qui agite des rameaux comme on agite le drapeau de son équipe de sport favorite. D’autres qui jettent leurs manteaux à terre. Je me demande d’ailleurs si ils sont rentrés chez eux en disant : « Jamais je ne laverai ce vêtement ! Jésus a marché dessus ! ». Ou s’ils ont essayé de les revendre sur la place du marché à prix d’or.
Et tout d’un coup, on passe de cette scène de liesse populaire, à Jésus tout seul dans le Temple. Pas vraiment tout seul, il y a certainement ses disciples et plusieurs centaines voir milliers de personne autour de lui. Mais la fin de ce passage est très décevante. Où est passé la foule ? Où sont passés les cris de joie ?
Nous adorons adorer
Il s’est passé quelque chose d’assez naturel. Nous adorons adorer. Nous adorons avoir des idoles de toutes sortes. Que ce soient des chanteurs, musiciens, acteurs, sportifs, etc., nous admirons des hommes et des femmes. Quand j’étais jeune, mon idole était Chester Bennington. Certainement que ce nom ne vous dit absolument rien. Il était le chanteur principal du groupe Linkin Park. Je l’admirai, et je rêvai d’avoir comme lui de grandes flammes tatouées sur les avants bras. Mais si je n’en ai pas aujourd’hui, c’est parce que je me suis laissé happé par d’autres préoccupations, que je suis passé à autre chose. C’est ce qui arrive aux idoles. D’une manière ou d’une autre on les abandonne.
C’est ce qui se passe avec cette foule. Ils ont entendu parler de Jésus, des choses extraordinaires qu’il a faites. Et ils sont super excités à l’idée de le voir. Mais ils ne font que le regarder passer, puis retournent à leur occupation. Ils ne se mettent pas à sa suite. Ils ne le suivent pas dans le Temple, puis à la Croix, et encore moins à la Résurrection. La foule a une idée de qui est Jésus. Il est le nouveau David. Le nouveau Roi. Celui qui va mettre dehors l’occupant Romain et redonner à Israël sa grandeur d’antan. C’est cela qu’ils célèbrent.
Jésus libérateur
Ce qu’ils disent à propos de Jésus est juste. C’est juste de le célébrer comme un Roi, comme un libérateur. Mais ils sont loin de comprendre et de saisir la nature et la portée de ce Royaume et de cette libération. Les signes sont pourtant là. Jésus n’entre pas sur un cheval de bataille, mais sur un petit âne. Les autorités religieuses et civiles de Jérusalem ne sont même pas présentes, ne se sentent pas du tout menacées par ce Jésus. Pas encore en tout cas. Car les choses vont se gâter très très vite à Jérusalem. En quelques jours, Jésus va passer d’homme acclamé par une foule, à être arrêté, fouetté, humilié publiquement, mis à mort…et ressuscité.
Tout cela, Jésus semble être le seul à le savoir. C’est ce qui apparaît dans les instructions qu’il donne aux disciples en amont de son entrée. Les commentateurs ne sont pas toujours d’accord. Certains disent qu’il savait où trouver l’ânon parce qu’il avait tout arrangé en avance. D’autres disent plutôt que c’est sa capacité à connaître le futur qui est ainsi révélée. Je suis du deuxième avis. Mais dans les deux cas, Jésus sait ce qu’il fait. Il sait ce qu’il attend. Par trois fois dans l’évangile de Marc, Jésus a dit à ses disciples qu’il devait mourrir à Jérusalem pour ressusciter le troisième jour. Et il le répétera encore par la suite.
Jésus dans le Temple
Pour les disciples qui se mettent à la suite de Jésus, ce n’est pas facile de vraiment comprendre où leur maître veut en venir. Ils l’entendent, mais ne le comprennent pas. Pourtant, ils choisissent de le suivre, de lui faire confiance. Ils le suivent au-delà de l’excitation de la foule. Ils le suivent dans le Temple. Ce Temple où Jésus s’arrête et observe attentivement ce qu’il s’y passe. Ce n’est pas le regard du touriste en visite. C’est le regard du propriétaire qui vient inspecter les lieux. Il vient inspecter son Temple. Il reviendra le lendemain pour y mettre de l’ordre, chasser tout ce qui est venu le polluer. Chasser les marchands qui y vendent des animaux pour les sacrifices ou font du change.
C’est Paul qui écrit dans la première épître aux Corinthiens : « Ne savez-vous pas que votre corps est le temple de l’Esprit saint, cet Esprit qui est en vous et que Dieu vous a donné ? Vous ne vous appartenez pas ». Nous sommes des Temples, et Dieu y habite. Y laisser entrer Jésus signifie qu’il va y mettre de l’ordre. Qu’il va « déranger », pour mieux ranger ensuite. Il ne se contente pas de regarder en touriste.
Aux Rameaux, suivre Jésus quoi qu’il arrive
Suivre Jésus comme le font les disciples, cela signifie le suivre aussi jusqu’à Vendredi Saint. Jusqu’à la Croix. Jusque dans la mort, la perte, la peine. C’est le suivre dans Samedi Saint, avec l’absence. C’est le suivre jusqu’à Pâques, avec la résurrection, la vie qui ressurgit. Parfois, souvent même, on passe des Rameaux à Pâques, mais en oubliant Vendredi Saint.
Cette semaine, nous commémorons quelques jours de l’Histoire qui ont complètement transformé la face de l’humanité. Il ne peut en être autrement de nos vies, que Dieu vient transformer.
Oui, Jésus vient en sauveur, en libérateur, mais pas forcément de la manière dont nous pourrions le croire. Il vient nous libérer de tous nos esclavages, de toutes nos dépendances, de toutes nos fausses idoles, qu’elles soient passagère ou solidement installée, il vient nous libérer de la mort elle-même.
AMEN