Eglise

Réflexion sur la Haute Ecole de Théologie

Les choses avancent du côté de la Haute Ecole de Théologie (HET-Pro) qui a récemment annoncé l’ouverture des pré-inscriptions. Pour l’occasion, différentes voix se font entendre, plus ou moins officiellement et publiquement, certaines se réjouissent de cette initiative alors que d’autres la combatte vivement. Je souhaite ici donner mon avis, mon analyse, avec mon point de vue d’étudiant en théologie de Lausanne. Il est important de réfléchir à cette question dans ce contexte-là, celui du canton de Vaud, de l’EERV (Eglise Evangélique Réformée du canton de Vaud) et de la FTSR (Faculté de Théologie et de Sciences des Religions). Dans un autre contexte, celui de Genève par exemples, la situation est différente, et il n’est à mon avis pas étonnant que cette initiative soit née dans le canton de Vaud et pas ailleurs.

Qu’est-ce que la HET-Pro ?

La HET-Pro, ou Haute Ecole de Théologie Protestante, Professante, Professionnalisante, est un projet né en 2010 à l’initiative de Jean-Claude Badoux, ancien Président de l’EPFL et du Conseil Synodal de l’EERV, dans le but d’offrir une alternative à la formation universitaire actuelle en théologie, qui soit spécifiquement orientée vers la formation au ministère, avec l’ambition d’obtenir l’accréditation pour décerner des titres de type Bachelor et Master. Un autre aspect important du projet est de rassembler les réformés et les évangéliques dans une école qui s’inspire des modèles offerts par les Hautes écoles spécialisées. En 2015, un groupe de pilotage regroupant des pasteurs et théologiens réformés et évangéliques se forme pour concrétiser ce projet, qui devrait ouvrir ses portes à la rentrée 2017. Ils cherchent à offrir une formation qui soit confessante, tout en offrant un niveau d’étude académique, et qui soit ancré dans la pratique. Ils cherchent pour cela à avoir une collaboration aussi bien avec les Eglises que les facultés romandes. Voilà pour ce qui est du cadre général, vous trouverez de plus amples informations sur leur site internet : http://www.het-pro.ch

Pourquoi offrir une alternative ?

Est-ce que la théologie académique serait dépassée et aurait perdu sa pertinence ? Absolument pas ! Il ne s’agit pas de remplacer les facultés de théologie traditionnelle (il y aura toujours besoin d’académiciens engagés dans la recherche), mais plutôt d’offrir une alternative pour celles et ceux qui se destinent au ministère (par exemples pastoral), et ne sont pas intéressés ou motivés par une formation académique traditionnelle. Un double constat vient appuyer la pertinence d’un parcours de formation alternatif.

Le premier est le déséquilibre entre le nombre de personnes qui se forment à l’université en vue du ministère pastoral et le besoin réel en la matière. Je croise régulièrement des personnes appartenant à trois catégories différentes, qui toutes seraient intéressées à une formation telle que celle offerte par la HET-Pro. Il y a ceux qui sont tout simplement découragés à l’idée de devoir passer 5 ans à l’université, essentiellement à cause du l’orientation forte sur les sciences religieuses et l’atmosphère très sécularisée. Ce sont ces deux éléments qui découragent la seconde catégorie de ceux qui tentent quand même d’étudier dans la faculté, mais finissent par abandonner après un ou deux semestres. Les derniers étudient bel et bien la théologie, mais ailleurs (Aix-en-Provence, Emaüs, etc.), et finissent pas exercer le ministère dans les églises évangéliques. Autant de personnes que l’on « perd ».

Le second est le fait que l’époque où le pasteur était avant tout un théologien est révolue. Aujourd’hui, on demande au pasteur de faire preuve de multiples compétences, appartenant à de multiples domaines, et ce à parts égales. Il n’est donc plus cohérent de consacrer 5 ans à la théologie, et 18 mois au reste. Ce modèle de formation est en déséquilibre par rapport à la réalité du terrain. La HET-Pro propose une formation sur trois axes :
– Sciences bibliques
– Sciences historiques, systématiques et éthiques
– Sciences du leadership et de l’interculturalité
Et ils projettent d’investir 25% du temps dans la formation pratique.

Une opportunité stimulante

La naissance de la Haute Ecole de Théologie est selon moi une opportunité stimulante, aussi bien pour les facultés que pour les Eglises. Il est nécessaire de conserver l’aspect de la recherche en théologie, qui est la mission principale des facultés, qui pourraient alors pleinement s’atteler à cette tâche. La faculté de Lausanne pourrait terminer d’opérer le glissement déjà initié et assumé vers les Sciences des Religions. Pour les Eglises, il s’agit d’une chance d’ouvrir une voie de formation pour un plus grand nombre de personnes, de ne plus « perdre » des candidats au pastorat, mais aussi de disposer d’une plus grande diversité de profils, qui corresponde à la diversité de sensibilités que l’on trouve dans nos paroisses.

On peut être sérieux et confessant

Oui, il n’est pas impossible de faire de la théologie de manière sérieuse, tout en ayant une orientation ecclésiale assumée. Dans nos mentalités romandes, nous estimons souvent qu’il n’est pas possible d’étudier sérieusement la théologie en dehors du giron de l’Etat, et qu’il faut s’éloigner de l’Eglise autant que possible. Dans d’autres contextes, par contre, c’est le contraire qui est la règle. J’ai eu la chance d’étudier un semestre à Rome, à la Facoltà Valdese di Teologia. Elle n’a aucun lien avec l’Etat, est financée par l’Eglise, vise à former les futurs pasteurs des Eglises Vaudoises et méthodistes, et les cours que j’ai eu là-bas n’étaient pas bien différents, pas moins sérieux, que ceux que nous avons en Suisse Romande, et les crédits que j’ai obtenus là-bas ont pleinement été reconnus ici. Drôle d’acdote, on m’y a demandé si il était possible d’étudier sérieusement la théologie en étant dans une faculté financée par l’Etat. L’argument selon lequel il serait dangereux d’étudier la théologie, ou de former des pasteurs, en dehors du cadre d’une université d’Etat ne tient pas.

Entre regrets et espoirs

Cela fait plusieurs années que je suis avec grand intérêt l’évolution de ce projet, et je me réjouis de le voir gentiment aboutir. Je ne peux néanmoins avoir quelques regrets. Pour commencer, il est dommage que l’EERV mette les pieds au mur avec tant d’énergie, et combatte ce projet au lieu d’entrer en dialogue. Je félicite le Synode de l’EERV pour avoir lors de sa séance de novembre 2015 explicitement demandé au Conseil Synodal d’entretenir des liens avec la HET-Pro. Il paraît évident que les Eglises romandes ne sont pas encore prêtes à reconnaître les formations offertes par la Haute Ecole de Théologie, même si elle obtient les accréditations de la Confédération pour délivrer des titres de Baccalauréat et Master. On peut tout de même observer une évolution du discours du Conseil Synodal, fermement opposé à cette idée en 2014, mais prêt à ouvrir des voies de dialogue en 2015. Peut-être faudra-t-il attendre que les premières volées terminent leur formation pour que les Eglises cantonales acceptent de reconnaître cette école. Pour le moment, seules les communautés évangéliques vont profiter de cette nouvelle offre.
Je trouve en tout cas réjouissant de constater que l’Eglise au travers de ses ministres et de ses membres se soucie de l’avenir de celle-ci et ait à coeur de s’investir dans la formation des futurs ministres. Je souhaite à la HET-Pro de rencontrer beaucoup de succès, et j’encourage vivement les facultés et les Eglises à entrer en dialogue avec cette nouvelle école qui s’apprête à voir le jour.

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Pasteur dans l'EPG, je partage ici diverses réflexions, prédications et expériences, en espérant créer la discussion afin que nous puissions nous enrichir mutuellement.

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