Prédications

Notre identité en Christ (2/2)

Texte: Philippiens 3:1-14

De quoi es-tu fier ?

Hier matin, j’ai regardé le match de hockey Suisse-Corée du Sud. Score final : 8-0. J’étais fier d’être Suisse hier matin. Même si la Corée du Sud n’est pas une grande nation du hockey sur glace, ça ne m’a pas empêché d’être un peu fier. Et à en voir les sourires sur les visages des joueurs suisses, eux aussi étaient fiers. Fiers de leur performance. Et ils avaient bien raison, non ? Décidément, je crois qu’on s’en sorts pas trop mal à ces Jeux Olympiques. Et ça fait du bien de brosser un peu notre fierté et notre identité nationale dans le sens du poil.

Cela peut quand même paraître un peu étrange d’être fier de médailles gagnées en Corée, alors que nous sommes bien installés dans nos canapés à Genève. Nous n’avons absolument pas travaillé, nous n’avons aucune part dans ces victoires. Et pourtant, on est fier, un peu comme si on les avait gagnées nous-même. Parce que l’on appartient au même groupe social. Quand un Suisse fait un exploit, c’est un peu comme si tous les Suisses l’avaient faits. Et on va dire, ces Suisses, ils sont quand même forts au hockey. Les Jeux Olympiques comme d’autres événements sportifs majeurs, sont de ceux qui viennent renforcer notre sentiment d’appartenance, qui viennent renforcer notre identité nationale.

Je vaut mieux que toi !

Mais notre identité, à nous ici, elle va bien plus loin que notre attachement à un pays, ou à un sport. L’éducation que nous avons reçue occupe une place importante. « Lui ? Il s’est arrêté à l’école obligatoire. » « Elle, par contre, elle est allée à l’université ! »

Ce que nous avons accompli dans la vie vient s’ajouter au puzzle de qui nous sommes. Celui que l’on regarde de haut parce qu’il n’a pas fait d’études nous dira « vous la voyez la belle maison, là-bas ? C’est moi qui l’ai faite ! »

La plupart du temps, ce qui compose notre identité, sont autant de choses dont on se montre fier. Il y a des exceptions. Il arrive que l’on s’enferme aussi dans des identité négatives, de victimes, de bon-à-rien, et autres malédictions qui ont été prononcées par d’autres sur nos vies. Mais au fond, nous aspirons tous à une identité dont on peut se montrer fier. La société nous donnant des exemples, définissant quelles identités sont dignes de fierté, et lesquels ne le sont pas. C’est le cas aujourd’hui, c’était le cas il y a deux milles ans.

Un texte qui dérange

Il y a deux milles ans, Paul a écrit ce texte de l’épître aux Philippiens, qui ne manque pas de laisser perplexe. Paul semble répondre à une polémique naissante au sein de la communauté de Philippe où certains commencent à se pavaner, à se sentir supérieurs à d’autres. C’est un peu à qui sera la meilleur chrétien. Est-ce que l’on fait encore ça, aujourd’hui ? Bien sûr que oui ! Pour l’Eglise catholique, le protestant est un « frère séparé », en errance. Pour le protestant, l’Eglise catholique est une sorte de vieux dinosaure, une institution aliénante dont nous, protestants, avons réussis à nous libérer grâce à Calvin et consorts. Protestants et catholiques sont d’accord quand il s’agit de porter un regard bienveillant sur ces illuminés que sont les évangéliques. Bien entendu, je ne pense rien de tout cela. Mais le problème auquel Paul fait face, est un problème d’actualité encore aujourd’hui. Bien qu’il ait pris des formes diverses. La question n’étant plus de savoir si un bon chrétien est circoncis ou non, si un bon chrétien est d’abord un bon juif ou non, mais si un bon chrétien communie une fois par mois ou une fois par semaine. Et bien évidemment, c’est nous qui avons raison.

A ces querelles, Paul répond que si il y en a bien un qui peut se vanter d’être parfait sous toutes les coutures, c’est bien lui ! Pour bien le montrer, il ne fait pas une liste au hasard de tout ce dont il peut se vanter, mais il utilise une formule de présentation courante de son époque qui reprend la question de la nationalité, de l’héritage, de l’éducation et des accomplissements. Il en fait toute cette liste, et affirme « j’étais irréprochable ». J’avais toutes les raisons de me vanter et d’être fier de qui j’étais.

« Mais ces qualités qui étaient pour moi des gains, je les ai regardées comme une perte à cause de Christ. Et je considère même tout comme une perte à cause du bien suprême qu’est la connaissance de Jésus-Christ mon Seigneur. A cause de lui je me suis laissé dépouiller de tout et je considère tout cela comme des ordures afin de gagner Christ ». Les traducteurs sont ici toujours très timide et chastes dans leurs choix de mots. Paul dit littéralement « A cause de lui je me suis laissé dépouiller de tout et je considère tout comme de la merde afin de gagner Christ. » Si on ne traduit pas correctement, on n’arrive pas ici à saisir toute l’intensité avec laquelle Paul rejette cette manière traditionnelle de définir sa propre identité et de placer sa fierté. Il ne rejette pas tant le contenu, que le fait de se glorifier de tout cela.

Un tournant majeur

Dans la vie de Paul, il y a eu un tournant majeure sur la route de Damas, quand le Christ lui est apparu. Il y a un avant et un après Damas pour Paul. Dans ce texte là, il y a un avant et un après aussi. Dans les premiers versets, il est question de Paul, Paul et encore Paul. Mais avec ce verset scandaleux que je viens de vous lire, un nouveau personnage fait son apparition : Le Christ. Et à partir de là, c’est le Christ qui devient le personnage principal, qui devient le sujet du discours. C’est le Christ qui agit, et Paul qui reçoit. C’est le Christ qui donne, et Paul qui reçoit. Son identité, qui il est, n’est plus déterminé, façonné par ses accomplissements, son éducation merveilleuse, par la piété de ses parents, mais elle est déterminée par le Christ.

Alors, est-ce que cette nouvelle identité vient remplacer, effacer, tout ce qui faisait Paul ? Paul répondrait ici avec l’une des ses expressions favorites : Certes non ! Il est toujours juif, il est toujours de la tribu de Benjamin. Il ne peut changer le fait qu’il ait été circoncis exactement comme la Loi le commande. Mais ce n’est plus un sujet de fierté pour lui. Il y a une chose qui est venue s’installer au-dessus de tout le reste. Et c’est son appartenance à Dieu. Sa nouvelle connaissance de Jésus Christ, son identité de Chrétien, fonctionne alors pour Paul comme des lunettes au travers desquelles il s’observe lui-même et son passé. « Je fais une chose, dit Paul, : oubliant ce qui est derrière et me portant vers ce qui est devant, je cours vers le but pour remporter le prix de l’appel céleste de Dieu en Jésus Christ. » Ce qu’il voit, c’est à quel point il est précieux aux yeux de Dieu, et à quel point la manière dont il est perçu par le monde, en fin de compte importe peu. C’est cette justice dont il parle. Toute sa vie, il a cherché à être juste aux yeux des hommes, en suivant à la lettre la Loi. Et c’est un autre justice qu’il a trouvée en Jésus Christ, une justice qui n’est pas accordée au mérite, mais par grâce.

Et en 2018 ?

Alors en 2018 à Genève, nous pourrions nous montrer fier de nos athlètes aux jeux olympiques. Nous pourrions nous montrer fier de notre piété protestante, de notre si bel attachement à l’héritage de la Réforme. Nous pourrions nous montrer de fier de notre passeport à croix blanche, ou à manière rouge-blanc-bleu, ou toute autre couleur que peut porter votre passeport. Mais si nous sommes réunis ici ce matin, c’est parce que le Dieu de Jésus Christ veut nous offrir une autre identité, une identité qui surpasse de loin toutes nos identités humains, avec leur lot d’imperfection et leurs limites. En Jésus-Christ, par l’Esprit, nous sommes filles et fils de Dieu. C’est ce qui nous unis, ce qui nous réunit, et ce qui nous donne accès gratuitement à la vie éternelle. Nous n’avons rien à prouver, et rien ne peut venir se mettre en travers.

Prédication du 18 février 2018

 

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Pasteur dans l'EPG, je partage ici diverses réflexions, prédications et expériences, en espérant créer la discussion afin que nous puissions nous enrichir mutuellement.